La journée Energies pour l’industrie organisée par l’agence Auvergne-Rhône-Alpes Entreprises a réuni plus d’un millier de personnes mardi, le 13 février au Centre de Congrès de Lyon. CScience revient sur cette journée riche en échanges, rencontres et débats autour de la décarbonation dans l’industrie régionale.
La cinquième édition de cet événement dédié à la transition énergétique, la décarbonation et la compétitivité des entreprises régionales a fait carton plein. Organisée au Centre de Congrès de Lyon, en plein cœur du quartier verdoyant de la cité internationale, 1 100 personnes ont fait le déplacement pour cette journée sur le thème de la décarbonation de l’industrie avec un focus sur la filière solaire. Au programme, 70 intervenants, 14 masterclass et des centaines de rendez-vous B2B pour répondre aux grandes interrogations des industriels : comment faire, combien ça nous coûte et qui peut nous aider ?
Décarboner en soutenant les industriels régionaux
La matinée a d’abord été rythmée par différentes allocutions, dont deux tables rondes réunissant tout un panel d’acteurs composé de personnalités politiques, d’experts, de membres d’association et de patrons de grands groupes. La première dressait un état des lieux et dessinait des perspectives en matière de décarbonation dans la région. Franck Colcombet, président du Directoire Auvergne-Rhône-Alpes Entreprises, a ouvert la journée en insistant sur la « préférence régionale » dans l’industrie, rassurant les dirigeants quant à l’engagement local de l’agence économique.
Jérôme Tessier, président de la commission énergies du MEDEF (Mouvement des entreprises de France), a lancé un chiffre glaçant dans la salle lors de son intervention : 2023 est l’année la plus chaude jamais enregistrée sur Terre, avec 1,5 °C en moyenne au-dessus des températures pré-industrielles. « On a d’ores et déjà dépassé, en 2023, l’objectif fixé par l’accord de Paris pour 2050. Autant vous dire qu’on sera plutôt à 3,5 ou à 4 °C dans 20 ans ».
« On a d’ores et déjà dépassé, en 2023, l’objectif fixé par l’accord de Paris pour 2050. Autant vous dire qu’on sera plutôt à 3,5 ou à 4 °C dans 20 ans »
— Jérôme Tessier, président de la commission énergies du MEDEF
Pourtant, revenant sur la principale préoccupation des patrons industriels, à savoir « Combien ça va nous coûter ? », Jérôme Tessier rappelle qu’il faudra investir pas moins de 14 milliards d’euros pour décarboner l’industrie dans la région AURA. « C’est le double de ce que l’on fait actuellement, mais, bonne nouvelle, ce sont souvent des investissements rentables. Mauvaise nouvelle, il faut trouver l’argent ». Sur ce point, il souligne la lenteur du système bureaucratique français qui complique l’arrivée des aides directes pour les entreprises.
Lors d’une seconde table ronde autour de l’évolution du prix des énergies, le directeur commerce régional d’EDF Frédéric Sarrazin a pris conscience de l’impact pour les professionnels. « La hausse de 44 % des prix de l’électricité a touché de plein fouet et marqué au fer rouge les industriels, nombreux dans la salle. Notre force a été d’être au plus près des consommateurs et de faire de la pédagogie en accordant beaucoup de délais de paiement ». EDF a mobilisé 600 personnes sur le terrain depuis le début de la crise en février 2022 pour répondre aux 15 000 appels hebdomadaires. Il a par ailleurs encouragé tous les industriels à ne pas attendre la fin de leurs contrats d’énergie pour négocier leur tarif, indiquant qu’« en ce moment, c’est une période favorable d’un point de vue tarifaire ». « Quand on électrise, on décarbone », a-t-il conclu.
« La hausse de 44 % des prix de l’électricité a touché de plein fouet et marqué au fer rouge les industriels, nombreux dans la salle »
— Frédéric Sarrazin, directeur commerce régional d’EDF
Décarboner en restant la première région industrielle de France
Thierry Kovacs, vice-président délégué à l’environnement et à l’écologie positive de la région AURA, a souhaité pour sa part démontrer que l’on « ne part pas de rien » en matière de décarbonation, avec un recul de 27 % des émissions de gaz à effet de serre dans l’industrie régionale selon l’ORCAE (Observatoire Régional climat-air-énergie). Il avait d’ailleurs rappelé, dans une entrevue pour CScience il y a quelques jours, la place de l’hydrogène vert dans cette démarche de décarbonation. Selon lui, « la multiplication par trois de la production d’énergie hydro-électrique au cours des prochaines années va permettre à la région de gagner en souveraineté ». Il a également profité de l’événement pour annoncer le lancement du projet IMAGHyNE, porté par 40 acteurs du territoire qui devrait produire 8 000 tonnes d’hydrogène décarboné (dont 50 % d’hydrogène vert) par an dans la région.
Thierry Kovacs réaffirme la place de l’hydrogène vert dans la décarbonation en AURA
Stéphanie Pernod, première vice-présidente déléguée à l’économie, la relocalisation et la préférence régionale de la région AURA, a souligné la responsabilité de la région pour la décarbonation : apporter du soutien, du conseil et des solutions aux industriels en termes de mix énergétique. « C’est notre responsabilité d’avoir un package bien organisé et un projet clé en main à présenter aux industriels ».
Elle a réaffirmé l’objectif de la région, à savoir conserver son titre de première région industrielle de France et sa compétitivité au niveau européen.
« C’est notre responsabilité d’avoir un package bien organisé et un projet clé en main à présenter aux industriels »
— Stéphanie Pernod, première vice-présidente déléguée à l’économie, la relocalisation et la préférence régionale de la région AURA
Décarboner en passant par l’innovation
Selon Stéphanie Pernod, il faut aussi favoriser les rencontres entre start-up et grands groupes industriels en démontrant à ces derniers qu’un investissement en faveur de la décarbonation, coûteux à l’origine, est rentable sur le long terme, à tout point de vue. Cette année, la région a emmené une délégation de 80 entreprises innovantes au CES de Las Vegas.
Une start-up lyonnaise primée au CES change la vie des déficients visuels
Magali Davenet, directrice partenariat à l’INES (Institut national pour l’énergie solaire), a rappelé quant à elle que l’innovation se situe à plusieurs endroits dans l’énergie solaire. « Il y a l’innovation technologique et scientifique que l’on retrouve dans des matériaux, des procédés et de l’architecture par exemple, mais aussi de l’innovation dans l’approche business ». Selon elle, le solaire est un véritable levier de décarbonation : « On a une forte marge de manœuvre et on ne peut pas passer à côté ». Marina Boucher, ingénieure et coordinatrice du pôle industrie 2023 au sein de l’ADEME – l’Agence de la transition énergétique – a conclu en soulignant « le besoin grandissant de planifier le changement, car on ne plus aujourd’hui investir sans réfléchir au coup d’après ».
« Il y a l’innovation technologique et scientifique que l’on retrouve dans des matériaux, des procédés et de l’architecture par exemple, mais aussi de l’innovation dans l’approche business »
— Magali Davenet, directrice partenariat à l’INES
Une volonté commune d’avancer vite et efficacement
Le reste de la journée était consacré aux rencontres B2B, avec un espace dédié dans le hall principal du Centre de Congrès, ainsi qu’aux 14 masterclass sur des thèmes aussi variés que l’hydrogène vert, le solaire ou encore le numérique responsable.
Beaucoup d’échanges fructueux donc, à l’image de l’histoire qui suit : un dirigeant de PME ligérienne, dans un désarroi profond, a confié à CScience ne pas réussir à s’en sortir financièrement après la signature de son contrat d’électricité au début de la crise énergétique. La belle histoire à retenir, c’est que grâce à cette journée, il a enfin pu obtenir un rendez avec un haut-responsable de chez EDF pour trouver une solution.
Émilie Dumas, cheffe de projet de cette journée, s’est félicitée en fin de journée du succès de l’événement : « on dénombre 400 rencontres dans l’espace dédié et 500 discussions sur le chat de la plateforme de l’événement, sans compter les centaines d’autres qui suivront » . L’état d’esprit général semble positif, à l’exemple de l’entreprise Hellio qui épinglait avec beaucoup d’attentes sa carte de visite sur la plateforme grandeur nature Je de-carbone, présentée un peu plus tôt par Aurélie Picart, déléguée générale du comité stratégique de filière Nouveaux Systèmes Energétiques.
L’ensemble des acteurs interrogés expriment donc peu de doute quant à leur engagement vers une décarbonation, encore faut-il qu’ils disposent de tous les outils nécessaires pour le tenir… En espérant que cette journée aura répondu à leurs attentes !
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Crédit Image à la Une : Laurie Bruno