S’il est difficile de prédire à quel point l’IA détruira plus d’emplois qu’elle n’en créera de nouveaux, les entreprises vivent actuellement une période de transition où l’adaptation rapide à ces nouveaux outils bouscule les schémas d’organisation traditionnels. La GenAI y apparaît autant comme une source de productivité que comme un risque de distraction stratégique.
Le monde du travail vit sa révolution avec l’arrivée de l’IA générative. Difficile de juger présentement si c’est pour un bien ou pour un mal. La seule chose sur laquelle nous pouvons nous entendre avec certitude, c’est qu’en la matière, nous naviguons à vue.
Le rapport Indice des Tendances au Travail récemment dévoilé par Microsoft et LinkedIn, et dont CScience s’est fait l’écho il y a quelques jours, laisse apparaître quelques-unes des tendances émergentes dans le monde des salariés, fondées sur l’analyse de trillions de données collectées auprès de 31 pays.
Les auteurs de ce rapport y voient ainsi une « lacune en matière de stratégie », qui engendre « un phénomène où les employés prennent des initiatives individuelles en utilisant leurs propres outils d’IA pour accroître leur efficacité et leur productivité, parfois même de manière secrète par crainte de répercussions sur leur emploi et la sécurité de l’entreprise ».
Un effort d’adaptation des entreprises
S’il est donc un enseignement que ces résultats mettent en évidence, c’est le défi de gouvernance des entreprises dans l’adoption de la GenAI pour leurs besoins autant ce ceux de leurs salariés. Toutes cherchent la meilleure façon d’optimiser les bénéfices à retirer de ces nouveaux outils tout en réduisant au minimum les risques envisageables.
Défi d’autant plus complexe que les employés eux-mêmes prennent des initiatives individuelles dans l’utilisation de ces outils d’IA qui ne cadrent pas forcément avec le fonctionnement des organisations qui les emploient. C’est ce qu’on appelle le BYOAI, une tendance qui consiste à apporter ses propres outils d’IA au travail, que ce soit en présentiel ou à distance. Bref, une adoption de l’IA générative sauvage qui a déjà des conséquences en matière de transparence et de sécurité.
« (…) les employés eux-mêmes prennent des initiatives individuelles dans l’utilisation de ces outils d’IA qui ne cadrent pas forcément avec le fonctionnement des organisations qui les emploient »
Conséquences qui se mesurent aussi sur l’autonomie grandissante de certains employés qui ne se satisfont plus forcément du cadre de l’entreprise pour opérer les outils de GenAI et qui privilégient un statut d’autoentrepreneur pour ce faire.
En 10 ans, selon une enquête conjointe de la plateforme de données Statista et de la direction statistique de la Commission européenne, Eurostat, le nombre de travailleurs autonomes en France a augmenté de 92 %. Un phénomène qui s’est accéléré depuis la crise sanitaire de 2019.
Usage de l’IA au travail : entre autonomie et manque d’encadrement
Difficile de tirer des conclusions hâtives et de considérer qu’il y a forcément un lien de cause à effet, mais force est de constater que, comme le soulignait il y a quelques jours chez nos confrères d’Actu IA, le directeur marketing de la place de marché en ligne pour les indépendants, Fiverr, les travailleurs autonomes dotés d’outils d’IA, « peuvent désormais offrir des services spécialisés qui étaient autrefois réservés aux grandes entreprises, démocratisant ainsi l’accès à des ressources de haute qualité et égalisant les chances des petites entreprises et des entrepreneurs individuels. »
De nouvelles perspectives pour les entreprises
Les entreprises peuvent donc potentiellement entrer en compétition avec des salariés qui se sentent pousser des ailes grâce à certaines applications de GenAI. Pour éviter une telle situation, elles doivent définir le cadre d’utilisation de ces outils pour leurs employés sans brider pour autant leurs aspirations légitimes à vouloir tester par eux-mêmes leurs fonctionnalités potentielles.
Elles doivent aussi opérer leur propre méthode d’expérimentation de ces outils, et au préalable s’assurer que la protection de la vie privée inhérents au croisement du travail et de la vie privée est garantie. En d’autres termes, cela revient à bâtir, comme le dit si justement Jean-Charles Vasnier, Architecte solutions chez NVidia, « une défense collective dans des environnements centrés sur les données ».
« Les entreprises (…) doivent définir le cadre d’utilisation de ces outils pour leurs employés sans brider pour autant leurs aspirations légitimes à vouloir tester par eux-mêmes leurs fonctionnalités potentielles »
L’avenir est déjà à l’IA générative multimodale, autrement dit celle qui nous permet d’utiliser une combinaison de texte, de parole et d’images pour fournir des réponses plus pertinentes sur le plan contextuel.
Les entreprises qui sont capables d’accompagner ce mouvement, et qui seront surtout en mesure, en toute sécurité, de pratiquer ces applications sur des modèles entraînés en open source tout en combinant leurs propres données privées ne disposeront plus seulement d’une ou deux applications d’IA générative, mais bien de centaines d’applications personnalisées utilisant des données propriétaires qui s’adapteront à leurs différentes sphères d’activité.
La stratégie opérationnelle des entreprises doit intégrer ces nouvelles réalités et accompagner leurs employés dans la prise en main de microservices d’IA, au travers de kits de développement de logiciels et l’adoption d’interfaces de programmation d’applications, les fameuses API.
Une manière de démocratiser l’IA au sein des organisations tout en générant de nouvelles quantités massives de donnés qui pourront être formées, espérons-là, à détecter les cybermenaces qui viendront avec toutes ces avancées.
Crédit Image à la Une : Unsplash / Solen Feyissa