Les deux années précédentes ont marqué un ralentissement significatif du financement des start-up. Les signaux envoyés ces derniers jours par les principaux acteurs du secteur n’annoncent rien de spectaculaire pour la nouvelle année.
Toute entreprise de la tech n’est pas Mistral AI qui veut. La start-up française en intelligence artificielle qui a levé près de 400 millions d’euros le mois dernier et qui est désormais valorisée à près de 2 milliards d’euros reste une exception. La rentrée hivernale, le retour de la lumière et la période des vœux n’y font rien : une certaine morosité plane depuis plusieurs mois sur le moral des startuppers français et canadiens, et l’horizon peine toujours à s’éclaircir pour grand nombre d’entre eux.
« Tout le monde a dû vous souhaiter la bonne année, moi je vous souhaite beaucoup de chiffre d’affaires ! » Ces mots du président d’honneur de Digital League Jean-Michel Bérard rapportés par notre journaliste Laurie Bruno cette semaine, à l’occasion de la première soirée du cluster Digital League à Lyon, ont eu le mérite de mettre le ton.
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Le financement se fait plus rare et les attentes de commercialisation de la part des investisseurs se font plus grandes. « Il faut vendre! » Une exigence que les entrepreneurs innovants ont souvent du mal à concilier avec leur réalité de développement.
Retour aux fondamentaux
Un sentiment partagé et exprimé lors de la soirée de rentrée de France Digitale le 17 janvier dernier, à l’occasion de laquelle les deux présidents de l’organisme Frédéric Mazzella et Benoît Grossmann ont fait part de leur inquiétude : « 2022 n’a pas été terrible, 2023 non plus. En 2024, ça ne repartira pas si vite. »
Au diapason de la nouvelle feuille de route de la French Tech dévoilée en septembre dernier, le mot d’ordre du nouveau cadre d’action pour les start-ups sera dicté par le réalisme, résolument centré sur la capacité commerciale des entreprises et sur l’impact des projets menés.
« Un régime au pain sec qui signe la fin de l’argent facile et, pour certains, siffle la fin de la récréation. »
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : le dernier baromètre France Digital et EY sur la performance économique et sociale des start-up démontre que 7% des entrepreneurs du secteur ont abandonné leurs projets auprès des investisseurs dans les six premiers mois de l’année 2023, et la chute des levées de fonds en un an a été vertigineuse avec 49% de baisse par rapport à 2022.
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Même son de cloche au Canada, avec un rapport de la firme KPMG qui indiquait l’an dernier la pire année en matière d’investissement en capital-risque depuis 2018, même si le Québec est tout de même parvenu à tirer son épingle du jeu avec l’aide de gros joueurs comme Desjardins, la Caisse ou bien encore le Fonds de solidarité FTQ.
Un régime au pain sec qui signe la fin de l’argent facile et, pour certains, siffle la fin de la récréation.
Accompagner la commercialisation
Les investissements désormais viennent avec des plans d’affaires de plus en plus solides. Dur retour aux fondamentaux. A la normale. Et pas de quoi pavoiser cette année. Maya Noël, directrice générale de France Digitale, le prophétise : « 2024 sera une année de pragmatisme ».
« Les investissements désormais viennent avec des plans d’affaires de plus en plus solides »
Le directeur général de l’organisme québécois Startup Montréal, Richard Chénier, en fait le constat. Dans une entrevue accordée en septembre dernier au quotidien Le Devoir, il invitait à revoir l’architecture complète de l’ensemble des programmes de financement, constatant « un gros trou quant au financement à moins de 20 millions de dollars pour la commercialisation. »
Selon lui, l’une des réponses à la crise actuelle consisterait à réorienter la philosophie des programmes vers plus de soutien à la vente. Question de faciliter l’opportunité d’une première signature de contrat, et de réduire une trop grande dépendance aux fonds publics.
Nécessité de s’ouvrir à l’international
Mais cela passera aussi par l’ouverture à d’autres marchés que le marché local. On ne répétera jamais assez que l’Union Européenne est un espace d’échange primordial pour les start-up françaises.
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Comme le rapportait CScience cette semaine, à l’approche des élections européennes en juin prochain, France Digitale a élaboré un manifeste dans lequel l’une des 18 propositions consiste en la création d’un marché unique pour mieux se positionner face aux géants de l’innovation incarnés par les États-Unis et la Chine.
« (…) l’Union européenne est un espace d’échange primordial pour les start-up françaises. »
Ne négligeons pas non plus les échanges intra-francophones avec des relais de commercialisation possibles entre la France, le Benelux, le Canada et certains pays d’Afrique.
Les prochaines rencontres de la REF à Casablanca en mai, et le grand Rendez-vous d’affaires de la Francophonie à Québec, en juin, devraient être deux occasions de rappeler que nous partageons plus qu’une langue : un destin en commun. En d’autres termes, des opportunités de promouvoir des solutions innovantes plus rapidement pour répondre aux enjeux divers que rencontrent nos différents pays.
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