La première communauté de start-up en Europe a réuni ses membres ce mercredi 17 janvier autour d’un évènement en multiplex pensé à son image : engagé, innovant et décalé. De Paris à Lyon en passant par Strasbourg, France Digitale a dressé un bilan de l’année écoulée et présenté ses grands combats pour 2024. CScience a pu assister aux voeux de l’association depuis Lyon au H7 et tirer les cartes au tarot de l’innovation pour savoir ce que 2024 lui réserve.
France Digitale est née il y a onze ans d’un constat commun à quelques entrepreneurs : la faible prise en compte de l’innovation dans la réglementation nationale et européenne.« L’idée était de se rassembler pour parler d’une même voix, enfin plutôt crier d’une même voix », ironise Margot Dessus, responsable de la communication chez France Digitale, en déplacement au H7 pour l’occasion.
Aujourd’hui, cette communauté est devenue la plus grande association de start-up en Europe, réunissant près de 2 000 membres dont 200 investisseurs du numérique. Elle incarne le « tiers de confiance » permettant de faire le pont entre les trois univers clés de l’innovation – entrepreneurs, investisseurs et grands groupes. Avec un conseil composé à moitié d’entrepreneurs et à moitié d’investisseurs, l’association indépendante porte la voix des start-up et facilite leur croissance partout en Europe.
Un bilan 2023 nuancé
En ouverture de cette soirée, les deux présidents de l’organisme Frédéric Mazzella et Benoît Grossmann ont dressé un bilan mitigé de l’année écoulée depuis les bureaux de Paris. « 2022 n’a pas été terrible, 2023 non plus. En 2024, ça ne repartira pas si vite. » Selon eux, « on absorbe aujourd’hui les années 2020, 2021 et 2022 ». Avec seulement 8,3 milliards d’euros levés en 2023 contre 13 milliards l’année précédente, d’après le Baromètre EY du capital risque en France, le cycle de contraction des investissements n’a cette fois pas épargné l’écosystème de l’innovation. Cette baisse drastique de 38% confirme bel et bien que l’argent facile ne se trouve plus aussi facilement.
« 2022 n’a pas été terrible, 2023 non plus. En 2024, ça ne repartira pas si vite. »
– Benoît Grossman, fondateur de Blablacar et co-président de France Digitale
Néanmoins, malgré la conjoncture actuelle, le bilan de France Digitale sur l’année écoulée est plutôt positif. Margot se dit fière du combat pour les affaires publiques au niveau européen. « Dans l’association, on parle de combats parce qu’il y a des sujets qui ne peuvent pas être appelés autrement » affirme-t-elle.
Elle se félicite des 1 500 rencontres pendant le FDTour, tour de France annuel de l’association pour favoriser les échanges entre investisseurs et start-up partout dans l’Hexagone, mais également du référencement de 2 500 jeunes pousses françaises, ou encore des négociations concernant la deuxième phase de l’initiative Tibi – dispositif permettant de mobiliser l’épargne des assureurs et des investisseurs institutionnels pour l’injecter dans l’innovation tricolore.
Margot constate toutefois un changement d’habitude avec des difficultés à obtenir des investissements pour les start-up auxquelles on demande des business plans (ou plans d’affaires) de plus en plus solides. Selon elle, « l’écosystème de l’innovation a connu de véritables montagnes russes ces dernières années, et aujourd’hui on note plutôt un retour à la normale dans les montants levés. Malgré tout, de beaux projets émergent ». Elle donne l’exemple de la licorne grenobloise Verkor et ses batteries automobiles « made in France », qui a réalisé une levée de fonds exceptionnelle de deux milliards d’euros. Maya Noël, directrice générale de l’association, se montre quand à elle plus réaliste : « 2024 sera une année de pragmatisme ».
« Seulement 8,3 milliards d’euros levés en 2023 contre 13 milliards l’année précédente pour les start-up françaises. »
– Bilan 2023 du baromètre EY sur le capital risque en France
Une année 2024 sous le thème du sport, de l’inclusion et de l’impact
Parmi les nombreuses actions à retrouver en 2024, le FDTour est renouvelé pour la sixième année consécutive et commencera par Montpellier le 7 février prochain. L’association se rendra dans plusieurs grandes villes françaises dont Lille, Toulouse ou encore Saint-Malo.
Et cette année, ce sont les Jeux Olympiques de Paris qui ont donné le thème de ce tour de France technologique. « On va aller de partout en France à la rencontre des start-up avec un focus sport ! », s’exclame Maya Noël depuis les bureaux parisiens avant de passer le micro à la Vice-Présidente du collectif de start-up SporTech avec qui France Digitale vient de sceller une collaboration. Selon Aurélie Dyèvre, à la tête de cet organisme réunissant 100 start-up dans le domaine du sport, l’année 2024 sera sous le signe de la fédération, à l’image de son partenariat avec France Digitale : « C’est notre grande soeur. On signe le début d’une histoire qui nous tient à coeur ».
« On va aller de partout en France à la rencontre des start-up avec un focus sport ! »
– Maya Noël, directrice générale de France Digitale
Deux autres dates clés donnent le ton pour l’année 2024. La première se déroulera le 5 mars, trois jours avant la journée internationale des droits des femmes, pour un évènement co-porté par l’accélérateur spécialiste de la mixité Willa et le collectif d’entrepreneuses et investisseuses We are Sista. Cette journée 100% féminine réunira des entrepreneuses et des investisseuses numériques pour mettre en avant la place des femmes dans l’écosystème de l’innovation. La seconde aura lieu le 25 mars prochain et sera dédié aux jeunes entreprises françaises à impact.
L’officialisation du partenariat avec l’accélérateur responsable H7, reconnu comme le ‘Station F lyonnais’, indique que France Digitale continue d’investir le domaine des GreenTech. Et ça tombe bien, car ce secteur occupe la première place du podium en termes d’investissement en 2023 avec 2,7 milliards d’euros, selon le Cabinet EY. C’est d’ailleurs dans cet accélérateur que se déroulera le Booster Day le 19 mars prochain.
Un manifeste avec 18 propositions pour les élections européennes
La galette des rois et des reines de France Digitale s’est donc déroulée en multiplex entre Paris, Lyon et le Parlement européen à Strasbourg. Paris, pour son siège historique au coeur de l’innovation française. Lyon, pour officialiser son partenariat avec l’accélérateur responsable H7. Strasbourg, pour rappeler que (presque) tout se joue au niveau du Parlement européen en matière d’innovation.
L’échelon de l’UE est primordial. La loi européenne prévalant sur la celle des 27 États membres, c’est elle qui affecte le plus les choix stratégiques des start-up. Par ailleurs, les thèmes autour de l’intelligence artificielle – l’UE est le premier marché à avoir voté un encadrement de l’IA avec le récent AI Act – mais aussi l’hébergement de données, l’industrie ou encore les produits reconditionnés sont décidés au Parlement de Strasbourg.
Mercredi soir, c’est la députée européenne Stéphanie Yon-Courtin qui a animé le multiplex depuis le parlement de Strasbourg. Elle a souligné « la forte dynamique de France Digitale et la richesse de son réseau qui s’impose comme un véritable allié dans la croissance des start-up européennes ». Selon elle, France Digitale illustre bien la devise de l’Europe « Unis dans la diversité », rappelant que « les entrepreneurs d’aujourd’hui sont les bâtisseurs de l’Union européenne de demain ».
Chez France Digitale, trois personnes sont assignées aux affaires publiques européennes. Leur rôle est de représenter les start-up de l’UE, de créer du lien avec les députés et leurs équipes, et de rédiger des positions papers (document de position sur un dossier donné).
À l’approche des élections européennes en juin prochain, véritable enjeu pour le marché de l’innovation, France Digitale a élaboré un manifeste avec 18 propositions. Sa plus grande revendication consiste en la création d’un marché unique pour mieux se positionner face aux géants de l’innovation incarnés par les États-Unis et la Chine. Pour rappel, le marché européen est plus grand démographiquement que le marché états-unien, avec 450 millions d’habitants dans l’UE, contre 330 millions outre-Atlantique.
« Les entrepreneurs d’aujourd’hui sont les bâtisseurs de l’Union européenne de demain. »
– Stéphanie Yon-Courtin, députée européenne
Ce manifeste européen prévoit également de décupler l’investissement dans l’innovation, d’ouvrir la porte à l’investissement privé et de faire de l’innovation le moteur de la transition environnementale. Antoine Latran, coordinateur des affaires publiques européennes pour France Digitale, rappelle ainsi que « les start-up sont porteuses de solutions, mais sans financement elles ne peuvent pas exister ». L’organisation peut s’appuyer sur un réseau de 20 pays pour faire rayonner l’innovation européenne, avec des déplacements partout en Europe – Lisbonne en octobre dernier, Amsterdam en février prochain.
Après ces temps d’échanges, de bons et moins bons chiffres mais surtout l’annonce de belles perspectives pour 2024, Paris, Lyon et Strasbourg ont laissé place à un moment de partage autour d’une galette des rois et des reines, avec un petit bonus. L’association cousine France Divination proposait pour l’évènement un grand tarot de l’innovation pour savoir de quoi 2024 sera faite. Pour CScience, ce sera la Force et l’international – peu surprenant. Pas de voeux impersonnels donc, mais une véritable lecture de votre avenir… Bonne et Divine année donc et à vous de jouer !
Crédit Image à la Une : David Arous