Journées économiques France – Maroc : « Préserver l’eau, notre bien à tous »

Journées économiques France – Maroc : « Préserver l’eau, notre bien à tous »

Le mardi 5 mars, la région Auvergne-Rhône-Alpes a accueilli la huitième étape des Journées économiques Maroc-France dédiées aux enjeux et perspectives autour de l’eau. CScience a pu assister à ces temps d’échanges, de réflexion et de rencontres entre partenaires publics et privés issus de ces deux pays aux liens historiques.

« Nous, nos nappes phréatiques débordent. Vous, vous cumulez les problèmes de sécheresse. Dans les deux cas, nous avons des enjeux communs », a déclaré Philippe Meunier, Vice-président délégué aux relations internationales de la région Auvergne-Rhône-Alpes, en introduction de la journée.

L’objectif de la journée est clair : développer les opportunités d’affaires entre les deux pays pour répondre aux problématiques liées à l’or bleu. « Le Maroc est un grand pays en plein développement économique. Notre boulot, c’est de vous ouvrir des portes et vous pouvez compter sur nous », a-t-il réaffirmé.

« Le Maroc est un grand pays en plein développement économique. Notre boulot, c’est de vous ouvrir des portes et vous pouvez compter sur nous »

— Philippe Meunier, Vice-président délégué aux relations internationales de la région Auvergne-Rhône-Alpes

Un enjeu commun à la France et au Maroc

L’enjeu est grand : s’appuyer sur la forte relation franco-marocaine pour répondre aux besoins des deux pays face aux enjeux de l’eau. À ce titre, Vincent Toussaint, chef du service économique régional de l’Ambassade de France au Maroc, a évoqué la « relation dense et historique qui lie la France et le Maroc », incarnée par l’Ambassade qui fêtera bientôt ses quarante ans de présence au Royaume. « La paix se nourrit de commerce », a-t-il rappelé, faisant allusion au 60 accords marocains de libre-échange.

Laila Oualkacha interpelle sur l’urgence de la sécheresse au Maroc pendant les regards croisés France-Maroc. (Photo : Laurie Bruno)

Selon Laila Oualkacha, chargée de projets auprès du directeur général de l’hydraulique et du ministère de l’équipement et de l’eau du Royaume du Maroc, l’eau est un sujet d’extrême importance et une préoccupation commune à tous les secteurs. « L’eau est au coeur de tout développement socio-économique et un tiers des individus n’a pas accès à l’eau propre au niveau mondial », a-t-elle martelé.

L’experte révèle que le Maroc accuse un déficit de 60 % sur le plan hydrique et pluviométrique par rapport à 2023. « On a déjà consommé la part des génération futures », a-t-elle déclaré, alors que le pays enregistre sa sixième année consécutive de sécheresse.

« L’eau est au coeur de tout développement socio-économique et un tiers des individus n’a pas accès à l’eau propre au niveau mondial. »

– Laila Oualkacha, chargée de projets auprès du directeur général de l’hydraulique et du ministère de l’équipement et de l’eau du Royaume du Maroc

En Auvergne-Rhône-Alpes, la situation n’est guère plus rassurante. Rémi Touron, Chargé de mission programmes et coopération internationale pour l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse, a dressé un bilan glaçant. Depuis 1960, la région a perdu 20 % de son enneigement, chiffre qui continuera d’augmenter jusqu’à atteindre 40 % de pertes en 2030 selon l’Agence. Autant de problématiques appelant à chercher des solutions conjointes.

« On doit se développer conjointement, d’égal à égal »

Si la matinée a été rythmée par une série de tables rondes autour de thématiques telles que la distribution de l’eau, l’efficience des réseaux, les énergies propres, l’agriculture ou encore les outils de financement, pas moins de 40 entreprises se sont ensuite réunies pour les rendez-vous d’affaires tout au long de l’après-midi. À l’issue des différents temps d’échanges, les dirigeants d’entreprises interrogés se déclarent satisfaits et jugent le contenu « dense et pertinent ». Beaucoup ont fait le déplacement pour rencontrer des décideurs publics et privés marocains.

Une opération de Symbiose en Côte d’Ivoire, à Abidjan. Crédit photo : Philippe Rouballay

C’est le cas de Philippe Rouballay, venu approfondir ses rapports d’affaires avec le Maroc. Président de la Délégation 71 de la CCI Métropole de Bourgogne, il est surtout le fondateur et directeur de Symbiose Technologies, entreprise spécialisée dans le déploiement de citernes transportables. Il a pu échanger durant l’après-midi avec deux personnes d’une entreprise d’Agadir et espère voir leur collaboration débuter prochainement. Pour d’autres dirigeants de la région AURA, c’était aussi l’occasion d’échanger avec des acteurs locaux, tel que le directeur général de Suez.

Avec 1 000 filiales françaises à l’origine de 150 000 emplois, les échanges entre la France et le Maroc représentent 14 milliards d’euros hors armement, élevant la France au rang de premier investisseur du Royaume marocain.

Une véritable force selon Vincent Toussaint, qui a réaffirmé le besoin de faire face aux défis de l’eau en adoptant une nouvelle approche : « On doit se développer conjointement, d’égal à égal », insistant sur l’expertise marocaine dans le secteur de l’eau.

La région AURA, de son côté, peut partager ses compétences concernant l’hydrogène vert, en grand développement sur son territoire. « L’eau est une solution à elle-même », indique Jean-Charles Damblin, directeur général de la Chambre française de commerce et d’industrie du Maroc (CFCIM), faisant référence à cette ressource fabriquée à partir d’un processus d’électrolyse de l’eau.

Thierry Kovacs réaffirme la place de l’hydrogène vert dans la décarbonation en AURA

Les solutions technologiques au service de la crise de l’eau

Houria Tazi Sadeq, présidente de la coalition des acteurs publics et privés de l’eau et de l’assainissement du Maroc (COALMA), a rappelé que la question de l’eau se renouvelle en permanence : « La preuve, en 2024, on est toujours en train de chercher des nouvelles pistes de solutions ».

Et la réponse aux problématiques liées à l’eau passera également par l’innovation, des deux côtés de la Méditerranée. René Gaucher, délégué international à la direction régionale de Bpifrance Lyon, a introduit le Fonds Maghreb, dispositif stratégique pour favoriser les affaires entre les deux pays et opérationnel depuis quelques semaines. 100 millions d’euros d’investissement sont désormais disponibles pour les entreprises souhaitant développer leur activité dans les pays du Maghreb. « Les start-up sont aussi pertinentes en termes d’éligibilité », a-t-il précisé.

« La preuve, en 2024, on est toujours en train de chercher des nouvelles pistes de solutions »

– Houria Tazi Sadeq, présidente de la coalition des acteurs publics et privés de l’eau et de l’assainissement du Maroc (COALMA)

Ahmed Khaladi évoque la volonté de la CNR de travailler au plus près de l’innovation. (Photo : Laurie Bruno)

Ahmed Khaladi, ingénieur expert et directeur ingénierie et grands projets à la compagnie nationale du Rhône (CNR), a quant à lui présenté Sweetch Energy, start-up spécialisée dans l’énergie osmotique. Cette technologie de rupture consiste à produire de l’électricité grâce à la différence de salinité entre l’eau douce d’un fleuve et l’eau salée de la mer qu’il rejoint. Actuellement, elle est testée dans les laboratoires de la CNR pour ensuite être déployée sur le delta du Rhône.

Laila Oualkacha a également insisté sur l’importante de la gouvernance, levier essentiel pour protéger et préserver les ressources en eau au Maroc, mais aussi la communication auprès des citoyens marocains. Elle a profité de cette rencontre pour annoncer la création de MaaDialna.ma, première plateforme citoyenne dédiée à la sensibilisation sur les problématiques liées à l’eau au Maroc.

« Il s’agira d’être très imaginatif et solidaire pour développer des nouveaux métiers autour de la gestion de l’eau. »

– Jean-Pierre Brunet, fondateur et président du Groupe Brunet

Jean-Pierre Brunet est le fondateur et président du Groupe Brunet. Son équipe de 200 « urgentistes de l’eau » selon ses termes travaille au coeur des médinas du Maroc pour dépolluer leurs égouts. Il propose une vision beaucoup plus large de la problématique de l’eau et invite tout un chacun à considérer un changement de paradigme. « Malgré les technologies, on ne peut pas sortir toutes les pollutions de l’eau, et l’enjeu sera d’arrêter de polluer l’eau à la source. » Pour cela, il faut selon lui procéder à un véritable travail de sensibilisation systémique pour parvenir à une révolution culturelle. « Il s’agira d’être très imaginatif et solidaire pour développer de nouveaux métiers autour de la gestion de l’eau », conclut-il.

Crédit Image à la Une : Laurie Bruno