Soirée Tekkit Connect : plongée dans le parcours du combattant des futurs recrutés de la tech à Lyon

Soirée Tekkit Connect : plongée dans le parcours du combattant des futurs recrutés de la tech à Lyon

Les Terrasses du Parc ont accueilli un événement inédit jeudi 14 mars à Lyon : une soirée de recrutement dédiée aux carrières de la tech. 17 entreprises locales et nationales ont pu échanger avec plus de 200 candidats sélectionnés par la plateforme de communauté tech Tekkit. CScience s’est rendu à l’événement pour échanger avec les différents participants et prendre le pouls des enjeux et perspectives pour le marché de la tech à Lyon.

Ce jeudi 14 mars, c’est une soirée marathon qui attend des dizaines de candidats qui viennent rencontrer 17 d’entreprises en recherche de nouveaux profils. L’atmosphère se veut décontractée mais elle reste néanmoins électrique. Les jeunes diplômés présents dans la salle veulent décrocher le Saint Graal. C’est le cas de Jordan, William et Léa qui enchainent les stands depuis leur arrivée. Leur badge bleu indique qu’ils sont spécialisés dans le développement web. Actuellement sans emploi, ils sont venus échanger avec un maximum d’entreprises en espérant décrocher un poste et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’ils sont motivés.

« Un format afterwork »

Chloé Coutière, cheffe de projet événementiel chez Tekkit.io et organisatrice de la soirée, détaille le concept. « C’est une soirée de recrutement format afterwork. On incite les recruteurs à prendre part aux différentes animations et à échanger dans une atmosphère moins formelle ». C’est la deuxième fois que Tekkit propose cet événement à Lyon, déjà aux Terrasses du Parc en 2023. Cette année, les équipes ont sélectionné au préalable 200 candidats et candidates ayant au moins une expérience dans le domaine des technologies et en recherche de tous types de contrats (stage, alternance, CDI, CDD) ou de simples moments de réseautage. Au programme : une table ronde portant sur le marché de la tech à Lyon, des temps d’échange autour d’un cocktail dînatoire et différentes animations (quiz géant, Mario Kart, GeoGuessr).

Plus de 200 candidates et candidats ont fait le déplacement pour la soirée de recrutement de Tekkit à Lyon, rythmée par différentes animations. Crédit photo : Chloé Coutière

Abdallah est lui tout juste diplômé de la WebAcademy, formation proposée par la renommée école d’informatique Epitech. Il a pris place dans la petite file d’attente pour échanger avec les représentants de l’entreprise Hays, leader mondial du recrutement spécialisé. Il indique ne pas avoir encore trouvé de travail, après quatre mois de recherche, et espère pouvoir échanger directement avec les différents recruteurs pendant la soirée. « Je connais déjà certaines entreprises, je vais cibler celles-ci en particulier », confie-t-il.

Isis porte elle un badge vert, dédié aux personnes dans la data. Elle est docteure en chimie et sciences des matériaux et travaille en tant que data scientist pour une PME lyonnaise. Elle a déjà assisté à l’événement l’année dernière et indique être revenue car c’est important selon elle de rester informée dans le monde de la data, en constante évolution : « Je cherche des opportunités de formation, pour éventuellement monter en compétences, mais aussi pour accompagner mon entreprise dans sa démarche d’initiation d’une culture ‘Data’», précise-t-elle.

Des thèmes chers à la plateforme Tekkit.io, réseau social spécialisé dans le domaine des technologies. « C’est un croisement entre LinkedIn et Welcome to the Jungle », explique Alexis Dekowski, chargé de projet digital chez Tekkit. Il donne accès aux quelques 20 000 inscrits à des offres d’emploi, des actualités, des pages entreprises, des formations ou encore des événements de recrutement à l’image de celui organisé jeudi dernier.

Ce soir là, l’événement propose également une table ronde durant laquelle trois personnes ont pris la parole : Marie Albaret, Directrice des partenariats entreprises chez Ada Tech School, Yan Hamel, Responsable développement et admissions chez Epitech Digital School et Antoine Bienvenu, Gérant de l’agence de services du numérique Web-atrio Lyon. Pendant près d’une heure, les échanges ont tourné autour de trois grands sujets : l’attractivité de la ville de Lyon pour le secteur tech, l’accès à l’embauche pour les personnes en reconversion professionnelle, et l’enjeu de la diversité dans la tech.

« Je cherche des opportunités de formation, pour éventuellement monter en compétences, mais aussi pour accompagner mon entreprise dans sa démarche d’initiation d’une culture ‘Data’»

— Isis, docteure en chimie et sciences des matériaux, data scientist

Lyon, ville attractive pour les métiers du numérique

Sur l’attractivité de la ville, les intervenants sont unanimes : Lyon se démarque par une forte diversité et un grand dynamisme affichés depuis des années. Antoine Bienvenu mentionne à ce titre la forte présence de l’industrie de la chimie à Lyon, en pleine numérisation et source d’emplois pour les carrières de la tech. Yan Hamel rappelle quant à lui qu’elle est la deuxième ville de France d’un point de vue économique, avec un cercle vertueux : « L’éducation, par une offre universitaire riche, l’emploi, par un large choix d’entreprises, et le développement, avec une grande variété d’incubateurs et de clusters ». Idéalement située au carrefour de plusieurs pays européens et proposant 200 vols par jour au départ de Lyon Saint-Exupéry, la ville « a une position géographique idéale et propose de belles perspectives de développement » ajoute-t-il.

Parmi les différents secteurs porteurs pour les métiers de la tech à Lyon, Yan Hamel évoque celui du jeu vidéo. Sur 830 entreprises dans ce domaine en France, 100 sont implantées à Lyon. Il mentionne à ce titre Ubisoft à Annecy ou encore le Gaming Campus, 3 000 mètres carrés dédiés à la formation aux jeux vidéo, en plein centre de Lyon.

Un nouveau souffle pour l’e-sport à Lyon

Il cite également les domaines de la GreenTech et de l’IA. La GreenTech, car « le digital peut amener à diminuer les émissions de CO2 en travaillant par exemple sur l’éclairage urbain ou le transport sur le territoire ». L’IA, car elle permet selon lui de « supprimer des tâches chronophages, pour se concentrer sur des temps plus humains ou dédiés au conseil ». Il ajoute que les métiers de la tech se trouvent aussi à l’intérieur des entreprises traditionnelles : « On vit une transformation numérique et elles ont un grand besoin d’experts tech ».

« L’éducation, par une offre universitaire riche, l’emploi, par un large choix d’entreprises, et le développement, avec une grande variété d’incubateurs et de clusters »

— Yan Hamel, Responsable développement et admissions chez Epitech Digital School

La voie de la reconversion professionnelle encore trop stigmatisée

Durant la table ronde, une personne du public prend la parole : « Je me suis rendu compte que dès que je prononçais le mot ‘reconversion professionnelle’, les recruteurs avaient un mouvement de recul ». Depuis, ce développeur d’applications contourne ce « gros mot » en parlant de ‘spécialisation’ ou de ‘réorientation’ ou en évitant à tout prix de mentionner son parcours antérieur. « Omettre, ce n’est pas mentir ! », raille-t-il.

Une table ronde autour du marché de la tech à Lyon réunissait des responsables dans le secteur de la formation. Crédit photo : Chloé Coutière

À cette intervention, Yan Hamel répond qu’il peut être judicieux de mettre en avant les soft skills, ou compétences douces, de plus en plus importantes pour les entreprises. Marie Albaret, qui forme des personnes en reconversion professionnelle à l’Ada Tech School, rappelle quant à elle que ce n’est pas systématique. En tant que directrice des partenariats entreprises, elle observe que certains recruteurs valorisent ces parcours atypiques, bien qu’ils restent minoritaires.

« On a une grande responsabilité en tant que formation pour préparer au mieux les profils en reconversion professionnelle. Mais la responsabilité des entreprises, c’est d’accepter des niveaux d’études moindres pour que les personnes déjà sur le marché puissent se lancer et devenir des modèles », explique-t-elle.

Antoine Bienvenu évoque lui une sorte de friction sur le marché de la tech : « On observe beaucoup de profils junior disponibles à l’embauche, mais les entreprises cherchent des profils expérimentés ». Il encourage lui aussi les entreprises à faire confiance aux jeunes diplômés ou aux profils en reconversion professionnelle, « qui souvent montent en compétences très rapidement dès leur prise de poste », rappelle-t-il. Marie Albaret cite en conclusion les mécanismes d’un phénomène courant : quand le marché se tend, les entreprises sont plus frileuses et privilégient des candidats aux parcours jugés plus conventionnels. Difficile donc, dans ce contexte de crise, de convaincre les recruteurs d’embaucher des profils moins diplômés.

« On a une grande responsabilité en tant que formation pour préparer au mieux les profils en reconversion professionnelle. Mais la responsabilité des entreprises, c’est d’accepter des niveaux d’études moindres pour que les personnes déjà sur le marché puissent se lancer et devenir des modèles »

— Marie Albaret, directrice des partenariats entreprises chez Ada Tech School

Favoriser la diversité dans la tech

Et encore moins des profils issus de la diversité. Marie Albaret fait de la formation par le biais de la diversité de genre : l’Ada Tech School s’adresse avant tout aux femmes et aux personnes issues de la diversité. Cette école, présente également à Paris et à Nantes, entend favoriser la féminisation de la tech.

Avec au minimum 70 % d’effectif féminin dans les classes, côté apprenants et côté enseignants, Violette Bailly, directrice d’Ada Tech School Lyon, souhaite répondre à plusieurs enjeux : donner des modèles féminins aux élèves grâce à des intervenantes professionnelles, proposer un espace safe et inclusif, mais aussi encourager la prise de parole des apprenantes en classe, souvent moindre quand des profils masculins sont présents.

Marie Albaret, directrice des partenariats entreprises chez Ada Tech School, évoque les enjeux de féminisation dans le secteur de la tech dès la formation. Crédit photo : Laurie Bruno

Les méthodes d’apprentissage sont elles aussi différentes car basées sur un modèle de pédagogie alternative. « Les élèves n’apprennent pas un seul langage informatique, mais plutôt une structure commune, leurs permettant de comprendre le code pour pouvoir l’appliquer à différents langages », explique Violette Bailly.

Elle mentionne également des temps de cours dédiés à des cercles de parole, en fin de journée, pour que les élèves puissent parler librement de leurs ressentis. Le vendredi est d’ailleurs une journée ‘libre’ que les apprenantes et apprenants consacrent à l’amélioration de leur portfolio, à l’apprentissage d’un langage informatique, ou tout simplement à un projet personnel. La communication de l’école s’adresse par ailleurs exclusivement aux futures apprenantes : tout est écrit au féminin.

Du côté des autres formations, Yan Hamel est interrogé sur les mesures concrètes dédiées à l’inclusion dans son école, où le nombre d’apprenantes est encore faible. Il mentionne la présence d’une association de féminisation dans la tech sur son campus, ou encore l’utilisation de l’écriture inclusive dans les différentes campagnes de communication de l’école. Papa d’une petite fille, il évoque également son rôle en tant que parent vers une éducation moins stéréotypée.

Marie Albaret évoque néanmoins un début d’évolution : « La réponse des entreprises est plutôt positive lorsqu’on leur propose des profils féminins, car les responsables diversité, désormais assez répandus dans les grandes entreprises, les recherchent », explique-t-elle.

Mais le débat va plus loin encore. Dans le public de la table ronde, une recruteuse partage une anecdote parlante sur le nouveau casque de réalité mixte d’Apple, le Vision Pro. Au moment des tests, toutes les femmes ont été sujettes à des maux de tête et à des vertiges, pour la simple et bonne raison que leurs rétines sont en moyenne plus rapprochées que celles des hommes. Un symptôme pas isolé et révélant qu’à aucun moment, une femme n’a été impliquée dans le processus de conception. « Inclure les femmes dans les métiers du numérique, c’est aussi se garantir des produits sans biais et adaptés à toutes et tous », indique-t-elle.

« Inclure les femmes dans les métiers du numérique, c’est aussi se garantir des produits sans biais et adaptés à toutes et tous »

— Intervention d’une recruteuse dans l’audience

Face à la hauteur de cet enjeu, dont les causes sont multiples, le champ d’action doit être transversal et massif, rappelle Marie Albaret. Elle précise que si le nombre de femmes dans le marché de la tech augmentait ces dernières années, il enregistre pour la première fois un recul de 1 %. Avec moins de 25 % de femmes dans les métiers du numérique en 2022 selon l’INSEE, il reste du chemin.

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Crédit Image à la Une : Laurie Bruno