Entre explosion du télétravail et volonté croissante de s’engager au bureau, les entreprises doivent se réinventer pour fédérer leurs collaborateurs. Face à ces enjeux, certaines start-up développent des nouveaux moyens de créer du lien mêlant technologies et engagement citoyen.
Cédric Soubrié et Tanguy Viet sont les co-fondateurs de Treely, une solution de « team building écolo ». Le principe est simple : les collaborateurs d’une même équipe relèvent pendant 10 jours le défi de marcher le plus possible. Tous les 15 000 pas, un arbre est planté. Deezer, Blablacar, Renault, ou encore Nikon font partie des 250 entreprises qui ont déjà relevé le défi.
Mathilde Hebert a co-fondé Ma petite planète, un jeu par équipe sous forme d’application qui propose tout un panel de défis écologiques du quotidien. Manger végétarien pendant une semaine, tester le vélo pour aller au travail, mener une session de brainstorming en équipe, ou tout simplement faire un câlin à un arbre… Plusieurs éditions, à destination de trois types de publics – entreprise, scolaire et université – et d’une durée de trois semaines chacune, sont lancées dans l’année. Elle a déjà impliqué près de 430 000 personnes et la prochaine édition grand public et entreprises débutera le 27 mai prochain.
L’intérêt croissant des entreprises pour les enjeux de RSE
Les actions propres à la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) sont de plus en plus plébiscitées au travail. Selon le baromètre national de perception de la RSE en entreprise, 77 % des salariés affirment avoir connaissance d’au moins une action RSE menée au sein de leur entreprise en 2022, soit sept points de plus qu’en 2021. Ce chiffre augmente de neuf points pour les actions de lutte contre le changement climatique.
Cédric Soubrié confirme cette tendance. « La RSE, ça explose. Les employés et les employeurs souhaitent de plus en plus intégrer la dimension RSE à leur travail », témoigne-t-il. Il note un intérêt particulier de la part des grands groupes pour la démarche RSE dans leurs activités de cohésion d’équipe : « Les clients me disent souvent : ‘Quitte à faire une activité ensemble, autant choisir un défi qui a du sens, facile et accessible à tous ‘». Il ajoute que les entreprises, qu’elles soient à impact ou non, profitent de ces team building engagés pour mettre en avant et réaffirmer leurs engagements sociétaux.
« Les clients me disent souvent : ‘Quitte à faire une activité ensemble, autant choisir un défi qui a du sens, facile et accessible à tous ‘»
— Cédric Soubrié, co-fondateur de Treely
Mathilde Hebert de Ma petite planète partage son avis. « Les entreprises aussi s’emparent de ces sujets », observe-t-elle, « et il y a tous les profils : la métropole de Bordeaux, les hôpitaux de Paris, Décathlon, Vinci… » Elle cite aussi l’exemple d’une entreprise qui s’est décidée à rejoindre la Convention des Entreprises pour le Climat (CEC) après avoir participé au challenge.
Tanguy Viet explique que parmi les retours utilisateurs, il retrouve souvent un engouement pour le côté fédérateur : « Les responsables RH de nos entreprises clientes disent que ça crée du lien et que les sujets de conversation ne sont pas trop personnels, mais suffisants pour se rendre compte qu’on a des points commun avec nos collègues ». « Et les entreprises, comme les employés, aiment bien avoir un impact », ajoute-t-il.
Ma petite planète va plus loin encore car elle s’adresse aussi aux plus jeunes. Financée par son premier public cible, les entreprises, la solution est gratuite pour les groupes scolaires. Les défis sont alors adaptés : faire un herbier à la maison, planter un arbre dans la cour de récréation, ou tout simplement finir son assiette.
« On pense que c’est important que les personnes se sentent capables de faire des écogestes et c’est pourquoi on le propose dès le milieu scolaire ». Au total, 4,5 millions de défis ont été relevés depuis le lancement de Ma petite planète.
La nécessaire adaptation aux nouveaux modes de travail
En 2023, 33 % des salariés français pratiquaient le télétravail au moins une fois par semaine, selon une enquête de l’Observatoire du télétravail publiée le 6 décembre dernier. Si un pic de 40 % a été atteint pendant la crise sanitaire, ils n’étaient que 25 % en 2017. Les employés ont par conséquent moins de temps à consacrer aux événements en entreprise… Et semblent même s’en désintéresser, selon Cédric Soubrié.
Il observe, grâce aux retours de ses clients, qu’il est plus difficile de mobiliser ses collaborateurs. Il donne l’exemple d’une entreprise cliente basée à Nice. Avant la pandémie de COVID, le groupe rassemblait 200 collaborateurs pour des journées de ramassage de déchets. Aujourd’hui, il peine à réunir dix personnes.
Les solutions comme Treely ou Ma petite planète, dont les défis peuvent être réalisés n’importe où et n’importe quand, répondent à ces problématiques d’engagement. Mathilde Hebert, dont l’entreprise a été créée en pleine pandémie mondiale, confirme cette direction : « C’est important d’avoir une solution utilisée à distance car aujourd’hui, dans une même entreprise, il faut conjuguer avec les personnes en télétravail, celles sur des sites différents dans un même pays, et celles à l’étranger. » Pour une utilisation globale, Ma petite planète est aujourd’hui disponible en quatre langues.
« C’est important d’avoir une solution utilisée à distance car aujourd’hui, dans une même entreprise, il faut conjuguer avec les personnes en télétravail, celles sur des sites différents dans un même pays, et celles à l’étranger. »
— Mathilde Hebert, co-fondatrice de Ma petite planète
Cédric Soubrié évoque également Nikon et ses nombreuses filiales à l’étranger, employant des personnes dans sept pays. « C’était un véritable challenge car on a des personnes qui vivent très loin, sur différents fuseaux horaires, avec des cultures très éloignées, et surtout qui ne se sont jamais parlées. » explique-t-il.
À l’issue du défi, il indique que les retours des responsables RH ont été très positifs. « On a constaté que les salariés échangeaient beaucoup de photos pendant les marches : des Français faisaient le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, des Israéliens partageaient leurs paysages ensoleillés aux Écossais qui eux ne montraient pas grand-chose parce qu’il pleuvait… » sourit-il.
En partageant aussi des photos de leur quotidien, les participants ont pu créer du lien, d’un pays à l’autre. « Un an après, on s’est rendu compte qu’ils continuent d’échanger sur un groupe WhatsApp créé après le challenge de dix jours, et qu’ils ont même réorganisé un défi », se réjouit Cédric Soubrié. Ils étaient 220 à participer sur les 300 employés de Nikon.
La technologie comme vecteur d’engagement
« Ça fait maintenant 15 ans que je fais des applications et ça a toujours été mon objectif : rendre la technologie utile, au-delà d’un simple gadget. » explique Cédric Soubrié. La finalité de Treely n’est pas de rendre les personnes encore plus dépendantes de leurs smartphones, mais plutôt d’utiliser intelligemment la technologie pour créer de nouvelle formes de connexion dans un monde en constante évolution.
« Ça fait maintenant 15 ans que je fais des applications et ça a toujours été mon objectif : rendre la technologie utile, au-delà d’un simple gadget. »
— Cédric Soubrié, co-fondateur de Treely
À ce titre, les concours d’anecdotes, blagues, photos et autres messages échangés sur le tchat de l’application ne génèrent pas de notifications, souligne Cédric Soubrié qui ne souhaite pas participer à « l’hyper-sollicitation numérique ». Il ajoute : « Avec Treely, on veut connecter les gens avec leurs corps, en marchant plus pour se sentir mieux, avec leur entourage et leurs collaborateurs, en générant du lien, et avec la planète et l’environnement, en participant à la reforestation. »
Pour Mathilde Hebert, Ma petite planète doit avant tout redonner une image positive des écogestes du quotidien. La co-fondatrice entend utiliser l’efficacité d’une solution digitale pour mieux agir dans le monde réel. « L’objectif est de casser le triangle de l’inaction qui consiste à se rejeter la faute entre citoyens, pouvoirs publics et entreprises, pour passer à un cercle vertueux de mobilisation. » ajoute-t-elle.
« L’objectif est de casser le triangle de l’inaction qui consiste à se rejeter la faute entre citoyens, pouvoirs publics et entreprises, pour passer à un cercle vertueux de mobilisation. »
— Mathilde Hebert, co-fondatrice de Ma petite planète
À la question comment conserver l’habitude de marche après le défi, Tanguy Viet répond : « On sait qu’il faut un mois pour pleinement adopter une habitude. En ce moment, on réfléchi donc à une formule plus longue pour mieux entériner le réflexe de marcher. » Leur prochain défi est lancé ce jeudi 21 mars, pour la Journée internationale des forêts. Entre 500 et 600 participants sont attendus, dont l’équipe de CScience… Rendez-vous dans dix jours pour un retour d’expérience !
Pour aller plus loin :
Crédit Image à la Une : Mareva Vahirua