Inondations plus fréquentes dues au réchauffement climatique : mieux s’y préparer

Inondations plus fréquentes dues au réchauffement climatique : mieux s’y préparer

Les canicules, les inondations et la sécheresse ne font pas de quartier en France, où les effets des changements climatiques se font ressentir dans les extrêmes, été comme hiver, et pour tout le territoire hexagonal. Lors de son point de presse du 16 janvier, le président Emmanuel Macron a rappelé qu’il faudra faire preuve d’innovation mais, surtout, insuffler l’envie de « s’adapter » aux conséquences du réchauffement climatique et des risques encourus. En attendant, le monde de la recherche et de l’innovation technologique, aussi bien local qu’étranger, ne tarit pas d’idées et de solutions pour mener cette transition.

Un portrait de la situation

En France, plus de la moitié des 264 000 catastrophes naturelles survenues entre 1982 et 2021 étaient des inondations. Les 5 800 km de côte de la France métropolitaine en font l’un des pays européens les plus menacés par les inondations côtières. Selon les données communiquées par Géorisques (partenariat entre le Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires et le BRGM), 64 % des Français de métropole résidant dans des communes exposées aux risques d’inondation n’ont pas conscience de l’être, et le risque s’est renforcé au fil des années, aidé de l’érosion causée par les changements climatiques.

Après Lille, Lyon affiche la prime de risque climatique la plus élevée en Europe

– AEW

L’inondation provoquée : une pratique qui relève du dilemme

Si l’on se fie au palmarès de 2023 dressé par AEW (géant mondial du conseil en investissement immobilier et de la gestion d’actifs), après Lille, Lyon est la ville d’Europe ayant la prime de risque climatique la plus élevée. Il y a environ un mois, en raison de la crue du Rhône, et pour éviter aux Lyonnais de se retrouver les pieds dans l’eau, des inondations de la plaine du Bouchage ont été provoquées volontairement pour en faire baisser les eaux, comme en 2021. Coûtant aux agriculteurs du côté sacrifié, cette pratique autorisée pousse aujourd’hui les élus du Nord-Isère à demander des indemnisations à Lyon en gage de « solidarité aval-amont ».

La plaine du bouchage inondée. (Photo : mairie du Bouchage)

Des inondations répétées et des sinistrés dans le nord

Rappelons qu’au regard des inondations répétées dans le Pas-de-Calais, qui ont submergé les rues de Blendecques, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, a suggéré hier qu’ « Il y a peut-être des territoires où l’on ne pourra plus habiter ». Questionné le même jour, le président a soutenu que l’ « On va continuer à intensifier nos efforts pour pomper et évacuer cette eau », mais que « quels que soient les efforts qu’on fait pour baisser nos émissions et nous mettre en conformité avec l’Accord de Paris, nous aurons à vivre avec les conséquences du réchauffement climatique et nous allons devoir nous y habituer (…) Plus largement, il faudra y adapter nos paysages et nos villes, pour faire face à tout cela. » Le président a prôné une approche « optimiste », qui passe par « la simplification de certaines normes et l’innovation qu’on va déployer sur le terrain, grâce à nos paysagistes, à l’innovation industrielle et à certains investissements ».

Dans le Pas-de-Calais. (Images virales sur x.com)

Des solutions innovantes sur les scènes locale et internationale

Des vannes hydrodynamiques autonomes

Au chapitre des entreprises françaises s’étant récemment illustrées pour leur innovation en matière de gestion et de prévention des inondations, on peut penser à l’entreprise des Alpes-Maritimes, F-Reg, qui conçoit des solutions visant à optimiser la gestion des eaux de ruissellement en milieu urbain.

97 000 km, c’est la longueur du réseau d’assainissement unitaire de la France

Sélectionnée parmi 20 start-up finalistes pour représenter la région Auvergne-Rhône-Alpes au CIC Start Innovation Business Awards, F-Reg déploie des vannes hydrodynamiques autonomes et intelligentes, à poser directement dans les canalisations des réseaux d’assainissement. Sans dépendre d’électricité ou de supervision humaine, cette solution permet de retenir et de stocker les surplus de débit, au lieu d’évacuer toute l’eau vers le bas. L’eau s’accumule ainsi derrière le battant de la vanne, au lieu d’être déversée de manière non contrôlée, engendrant des effets néfastes tels que des inondations urbaines et le déversement de polluants vers le milieu naturel.

Dans la commune de Biot, au moins quatre vannes de F-Reg ont été installées. L’entreprise, qui ambitionne de déployer sa solution sur l’ensemble du réseau d’assainissement unitaire français, rappelle que ce dernier s’étend sur 97 000 km, en plus de représenter « 25% du réseau total contre les 297 000 km du réseau séparatif, dont un tiers est réservé à la collecte des seules eaux pluviales », d’où l’importance d’en assurer l’entretien et l’optimisation.

L’IA pour les prévisions et la vision globale

Un peu partout dans le monde, des équipes mènent des projets sollicitant ou combinant la recherche, la collecte et l’analyse de données en intelligence artificielle, ayant pour visée d’anticiper avec précision les scénarios de catastrophe naturelle, les prévenir, s’y préparer ou y répondre.

Pensons au projet collaboratif Hydr.IA, issu du partenariat entre l’Unité mixte de recherche Hydrosciences Montpellier (HSM) et l’entreprise SYNAPSE, qui a permis la création d’un laboratoire commun financé par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR), le « LabCom », consacré au développement d’un ensemble de services de prévision hydrométéorologique fondés sur les principes et techniques de l’IA.

4 projets québécois en IA pour mieux faire face aux catastrophes naturelles

Au Canada, et plus particulièrement dans le pôle d’innovation concentré dans la région de l’Estrie au Québec, les avancées prometteuses en matière d’informatique quantique pourraient bien mener au développement de solutions de simulation, tel que l’explique à CScience le directeur général de la Plateforme d’innovation numérique et quantique (PINQ²), Éric Capelle : « L’ordinateur quantique amènera beaucoup plus de puissance de calcul, ce qui va nous permettre d’intégrer davantage de variables. Ce qui est important dans une simulation, ce sont les données, et tous les paramètres que l’on peut injecter dans un modèle. Aujourd’hui, avec les technologies existantes, on a atteint la limite des modèles. Avec le quantique, on va pouvoir les dépasser en intégrant plus de paramètres, et ainsi affiner les simulations, obtenant des résultats plus précis, relatifs à des scénarios-tests d’inondations, d’incendies ou d’impacts sur la population et les infrastructures (…) Dans le contexte d’une simulation climatique, on va simuler les risques d’une inondation tels qu’on les connaît aujourd’hui, tout en y intégrant des modèles météo, tels que les quantités de pluie. De là, on sera en mesure de déterminer les zones inondables et les dommages possibles. »

[ENTREVUE : Éric Capelle] L’ordinateur quantique pour lutter contre les feux de forêt et les inondations

Pour limiter les risques liés aux incidents climatiques, le géant américain Google a lancé Flood Hub, un service propulsé par l’IA, qui peut prédire le débordement d’un cours d’eau jusqu’à une semaine à l’avance. Désormais offert dans plus de 80 pays dont la France, par l’interface de son application et sur le site Google Maps, l’outil génère des relevés hydrologiques à partir des images satellites et des données météorologiques.

Flood Hub de Google

En répertoriant les zones inondables sur sa cartographie, Flood Hub les compare au niveau attendu des cours d’eau, et peut ainsi indiquer de manière précise, selon ce qu’affirme Google, les risques d’inondation aux endroits et adresses donnés. « Nous nous efforçons d’étendre les alertes de prévision des inondations dans Search et Maps afin de mettre ces informations à la disposition des gens lorsqu’ils en ont le plus besoin », a précisé le vice-président de Google, Yossi Matias, par voie de communiqué.

Des problèmes qui ne feront que s’accentuer en Europe

La France, ainsi que d’autres pays d’Europe, tels que l’Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas, se trouvent donc à un carrefour nécessitant des mesures d’adaptation et d’innovation. La prise de conscience du risque et la mise en place de solutions technologiques, comme les systèmes proposés, et déployés à petite échelle, offrent ainsi des pistes prometteuses. Mais, à défaut de reposer uniquement sur la technologie, l’adaptation relève aussi d’une volonté collective de transformer les paysages et modes de vie des populations. Les défis posés par les inondations exigent une approche proactive et solidaire, intégrant la recherche, la coopération internationale et l’innovation, afin de bâtir une résilience durable face aux conséquences inévitables des changements climatiques.

Crédit Image à la Une : Inondation provoquée pour préserver de la crue du Rhône. (Photo : réseaux sociaux)

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