Sana Chennoufi est directrice de la communication à H7, lieu totem de l’innovation lyonnaise où une partie de la rédaction de CScience Lyon est implantée. Elle fait partie des membres qui ont fondé cet accélérateur à impact aujourd’hui incontournable dans le paysage de la région AURA. Elle a accordé une entrevue à CScience.
Sana, tu fais partie des quelques personnes qui ont imaginé le projet H7 en 2019. Qu’est-ce que cela implique ?
Effectivement, cela fait déjà cinq ans que je suis associée au projet. Par le mot « associée », j’entends le fait de travailler au H7. Mais finalement l’investissement et l’engagement c’est un peu la même chose non (rires) ? En tout cas, je travaille à H7 depuis janvier 2019 sur tous les sujets liés à la communication. Comme j’étais là dès le lancement, j’ai un rôle de transmission de la culture d’entreprise, mais aussi des valeurs et de l’ADN du projet aux personnes qui nous rejoignent, en lien bien sûr avec Julien Marbouty, Directeur, et Cédric Denoyel, Président du H7.
Tu diriges la communication de H7 depuis un an. Quel est ton rôle au quotidien ?
Ma mission est de développer la marque H7, sa communauté, ses activités, ses actions et le lieu en lui-même au niveau local, national, et demain européen. J’ai la chance d’avoir une superbe équipe qui contribue à tout ça ! Mon rôle est donc de piloter la communication et de travailler cette marque H7 en lien avec nos partenaires.
« Ma mission est de développer la marque H7, sa communauté, ses activités, ses actions et le lieu en lui-même au niveau local, national, et demain européen »
En occupant le poste de directrice de communication depuis janvier 2023, cela implique également d’être en lien avec les actionnaires pour décider des prochaines phases de développement de H7.
Justement, peux-tu nous décrire le H7 en quelques mots ?
Le H7, c’est le lieu totem du numérique de la métropole de Lyon. C’est un accélérateur responsable qui accompagne les start-up dans leur croissance et leur impact. On intervient sur trois axes : la communauté, les programmes d’accompagnement, et le lieu de vie. On fédère et on anime une communauté riche de membres différents et complémentaires – grandes entreprises, start-up, experts, école partenaires et toutes les personnes étroitement liées à l’univers entrepreneurial.
« C’est un accélérateur responsable qui accompagne les start-up dans leur croissance et leur impact […] Le H7 est un lieu dans son époque, qui évolue en fonction des enjeux de sa génération »
C’est un beau métissage avec plein de typologies d’acteurs qui ont toutes et tous un point commun : un intérêt pour l’entreprenariat et particulièrement l’entrepreneuriat technologique avec une notion d’impact. Le H7 est un lieu dans son époque, qui évolue en fonction des enjeux de sa génération. On estime que le chemin est toujours à défricher parce qu’on ne souhaite pas se cantonner à de simples bureaux mais plutôt créer un lieu de vie où l’on puisse s’inspirer et être stimulé au quotidien.
Quels sont les programmes proposés par H7 ?
On a plusieurs programmes d’accompagnement qui sont sont tous opérés par nos start-up manager, apportant une proximité très humaine. C’est d’ailleurs une spécificité par rapport à un Station F [plus grand campus de start-up au monde implanté à Paris] où la majorité des programmes sont gérés par leur partenaires. À H7, nous avons uniquement des programmes en propre dont certains sont dispensés aux côtés de nos partenaires. C’est une association entre notre expertise et celle de nos partenaires, avec notamment 13M sur l’inclusion numérique, le programme Web3 avec l’entreprise française iExec, la thématique de l’alimentation durable avec SUEZ et Lyon Métropole Habitat, et bien sûr notre programme Community sans date de début ni de fin avec la promesse de profiter d’une communauté.
En quoi le H7 se différencie des autres accélérateurs en tant que lieu de vie ?
Premièrement, parce que c’est un lieu de vie de 5 300 m2 au coeur de la Confluence, un éco-quartier en pleine mutation. On a créé un endroit hybride, ouvert et inspirant qui a vocation à mélanger tous les publics, avec trois espaces : Home, Heat et Host. Les bureaux partagés de Home, avant tout, ne se limitent pas à du simple co-working et ses services associés, mais représentent plutôt un véritable lieu de vie commune animé quotidiennement par l’équipe.
« c’est un lieu de vie de 5 300 m2 au coeur de la Confluence, un éco-quartier en pleine mutation. On a créé un endroit hybride, ouvert et inspirant qui a vocation à mélanger tous les publics, avec trois espaces : Home, Heat et Host »
La partie Heat ensuite, avec un food court [aire de restauration] ouvert au public et une programmation culturelle et culinaire qui évolue chaque semaine, sert de vitrine vers le grand public et permet un mélange des genres très enrichissant qui favorise la créativité de nos résidents. Le H7 sans le Heat ne serait pas le même projet. Home, enfin, représente 1 000 m2 d’espace événementiel pouvant accueillir jusqu’à 1 200 personnes du grand public.
Le H7 se décrit comme un accélérateur responsable. Faut-il nécessairement avoir une start-up à impact pour rejoindre la communauté ?
Non, pas forcément. Il n’est pas obligatoire d’avoir un projet avec un objet social fort mais pour autant on doit percevoir chez le fondateur ou la fondatrice une volonté de mesurer son impact et dans un second temps de l’améliorer. Aujourd’hui, les entreprises à impact ne représentent pas la majorité du marché, alors notre parti pris c’est plutôt d’accompagner des projets vers plus d’impact. D’ailleurs, il y a d’autres acteurs qui accompagnent très bien les projets ESS [économie sociale et solidaire]. Notre but n’est pas de reproduire quelque chose qui fonctionne déjà très bien, mais de travailler en collaboration avec les acteurs existants pour implanter plus d’impact dans toutes les entreprises.
À ce propos, combien d’entreprises avez-vous accompagné depuis le lancement de H7 ?
On a accueilli les premières start-up en avril 2019 avant d’inaugurer officiellement le lieu un mois plus tard. En termes de chiffres, on a donc accompagné 250 start-up et opéré 5 programmes en bientôt cinq ans. Il y a constamment entre 65 et 75 start-up, et elles sont 67 en ce moment.
« On a donc accompagné 250 start-up et opéré 5 programmes en bientôt cinq ans. Il y a constamment entre 65 et 75 start-up, et elles sont 67 en ce moment »
Quant à la durée de résidence, cela dépend des programmes : 18 mois en moyenne pour le programme Community qui est renouvelable à l’infini, et quelques mois pour les programmes thématiques à durée limitée – quatre pour Web3 par exemple.
Au moment où l’on parle, la troisième édition de Zero to one vient de s’achever. L’événement s’est déroulé dans les locaux d’icilundi à Nantes avec 22 conférences sur deux jours. Tu peux nous en dire un peu plus ?
Cet évènement a été co-fondé avec Julien Marbouty. L’idée date d’un séminaire organisé en octobre 2021 : on s’est dit qu’on voulait marquer le coup pour nos trois ans, un an plus tard. C’est d’ailleurs un pallier où il est bien vu de s’exprimer et qui peut nous faire passer à l’échelle supérieure. Il manquait d’événement pour les start-up sur le territoire lyonnais donc autant le créer ! On avait déjà deux superbes outils : le lieu et la communauté. On a donc créé cet événement start-up à Lyon dans lequel chacun peut venir s’inspirer de passages de zéro à un, avec une programmation très inspirante. Les deux premières éditions se sont déroulées à Lyon, accueillant respectivement 900 et 1 200 personnes. Cette année, on a réalisé notre première édition hors de notre terre natale en collaboration avec deux structures emblématiques de Nantes : icilundi et Startup Palace. Elle a réunit 500 personnes et 26 talents pendant deux jours.
Pourquoi Zero to One ?
C’est une référence au livre Zero to One de Peter Thiel, le fondateur de PayPal, qui nous apprend à remettre en question l’existant pour créer quelque chose de nouveau, mais aussi d’accepter de se tromper, embrasser l’échec et partir de zéro pour ensuite créer de la valeur sociale, économique et intellectuelle. Autant de notions qui incarnent l’ADN de notre équipe. C’est aussi le propre des entrepreneurs de passer de zéro à un, et à N ensuite.
« […] remettre en question l’existant pour créer quelque chose de nouveau, mais aussi d’accepter de se tromper, embrasser l’échec et partir de zéro pour ensuite créer de la valeur, sociale, économique et intellectuelle. Autant de notions qui incarnent l’ADN de notre équipe »
On l’a aussi choisi car il incarne un fil rouge qui peut s’appliquer à toutes et tous, pas simplement aux entrepreneurs. On donne la parole à tous les talents en start-up pour exposer leur passage de zéro à un et nous raconter leur expérience. L’objectif est de venir s’inspirer, de confronter ses pratiques, de monter en compétences, de se créer un réseau ou encore de développer des vocations avec toutes sortes de métiers mis en avant.
Sait-on déjà où se dérouleront les prochaines éditions ?
Pour cette première édition hors de Lyon, c’était une opportunité dont on a discuté conjointement avec icilundi . Il y avait des points communs évidents entre Lyon et l’écosystème de l’innovation Nantais. Pour les futures éditions, nous n’irons pas chercher d’autres structures ou d’autres villes, ce sera à l’opportunité et aux synergies et on préfère rester humbles sur le sujet. D’ailleurs, on organisera probablement une Zero to one au printemps à Lyon…
Es-tu fière du surnom de « Station F lyonnais » ?
Fière ? Je ne sais pas, je n’ai pas de notion subjective par rapport à ce surnom. Je trouve que c’est bien en termes d’identification parce que Station F est un référentiel pour beaucoup de monde. Alors si pour pitcher c’est plus facile pourquoi pas, c’est un compliment. Maintenant, on est différent en terme de modèle. La plus petite taille de notre écosystème donne quelque chose de beaucoup plus communautaire et chaleureux que Station F qui est surtout le vaisseau amiral de la tech française. Nous on connait tout le monde, on peut pitcher chaque résidente. Avec 1 000 start-up, c’est plus difficile pour Station F.
« La plus petite taille de notre écosystème donne quelque chose de beaucoup plus communautaire et chaleureux que Station F qui est surtout le vaisseau amiral de la tech française. Nous on connait tout le monde, on peut pitcher chaque résidente »
Mais j’ai de l’admiration pour ce qu’ils font et on reste très en veille sur tout ce qui se passe dans l’écosystème. On échange bien avec les équipes de Station F et notamment avec Roxanne Varza, directrice de l’incubateur, qui était là lors de la première édition de Zero to one.
3 start-up de la communauté H7 à suivre cette année ?
Pas facile ! Urgentime a fait un très bon début d’année avec leur passage sur M6, Oorion également avec sa présence au CES de Las Vegas. Il y a aussi Keenest qui a suivi le programme Web3. Ils ont de belles choses à annoncer prochainement. Je pense aussi à nos entreprises qui excellent en termes de chiffre d’affaires : Hupso, Hello Charly, Smash, LAfricaMobile, MyFit Solutions, WeCount… Ce sont des start-up historiques à H7 qui continuent de bien délivrer et qui servent d’exemples pour nous.
Une start-up du H7 sur le grill de l’émission ‘Qui veut être mon associé ?’
En termes de parité, où se situe la communauté H7 ?
Malheureusement, il y a moins de 50% d’entreprises portées par des femmes au H7. Bien que ce soit en lien avec la moyenne française, on doit faire mieux et on travaille dessus. Pour nos événements par exemple, on favorise l’intervention tous les profils pour ne pas mettre en avant uniquement la personne à l’origine du projet, mais toutes les personnes qui composent une start-up, pour offrir d’autres modèles.
« Pour nos événements par exemple, on favorise l’intervention tous les profils pour ne pas mettre en avant uniquement la personne à l’origine du projet, mais toutes les personnes qui composent une start-up, pour offrir d’autres modèles »
L’année dernière, on a eu que des hommes pour les six épisodes de notre cycle de conférence Dans un fauteuil – aussi parce que les entrepreneuses ne répondent pas forcément favorablement lorsqu’elles sont sollicitées, par de sentiment d’illégitimité à parler de leur réussite ou simplement par manque de temps. On s’est dit que c’était juste pas possible ! Cette année, la première intervenante est la co-fondatrice de Teamstarter Ségolène Mouterde, le 27 février prochain.
Pour prendre un peu de recul, quelles sont les perspectives dans le monde de la tech en 2024 selon toi ?
L’intelligence artificielle, bien évidemment, va bouleverser tous les secteurs d’activité. Je crois qu’il y a également un vrai sujet sur la souveraineté de l’industrie 4.0 en France, avec un plan de financement de l’Etat. Je pense aussi à l’AgriTech qui est déjà un sujet depuis quelques années mais qui a été fortement remise en cause dernièrement. Et la cybersécurité bien sûr, on est arrivé au bout du web 3 et la confidentialité des données est un grand enjeu…
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Crédit Image à la Une : Sana Chennoufi