[ÉDITORIAL] Médecine de précision : La France et le Québec ont besoin des données massives

[ÉDITORIAL] Médecine de précision : La France et le Québec ont besoin des données massives

Le 30 avril dernier, dans le cadre de l’événement Effervescence 2024 sur les sciences de la vie, la rédaction de CScience a animé, en partenariat avec Génome Québec et Roche Canada, une conférence en simultané entre Lyon et Montréal sur l’avenir des données génomiques dans la médecine de précision. Un rendez-vous qui a souligné une nouvelle fois le besoin des chercheurs d’utiliser à plus grande échelle les données génomiques pour le séquençage de nouvelle génération.

Il l’a rappelé comme une évidence, mais cela fit son effet dans l’assemblée qui l’écoutait religieusement : la technologie du séquençage génomique a évolué d’une façon si spectaculaire ces vingt dernières années « qu’on [est] passé d’un coût de centaines de millions de dollars pour séquencer l’intégralité des trois milliards de paires de base d’un génome à [seulement] 250 dollars canadiens aujourd’hui ».

Des chiffres à peine croyables que Vincent Mooser, titulaire de la Chaire d’Excellence en Recherche du Canada (CERC) en Médecine Génomique à McGill, a dû répéter à deux reprises pour être certain que l’assemblée de l’événement Effervescence 2024 les avait bien compris.

Notre journaliste Roxanne Lachapelle rapporte ces propos cette semaine, ainsi que d’autres enjeux qui ont été rappelés par le groupe d’experts en génomique du Canada et de l’Europe réunis les 30 avril dernier par Génome Québec et Roche Canada. Et ces enjeux interrogent notre capacité collective à accompagner les chercheurs dans leur volonté de faire avancer la médecine de précision.

Des attentes et des défis

Des enjeux qui correspondent aux problématiques sanitaires actuelles mais qui viennent aussi paradoxalement avec les progrès notables observés dans le monde de la recherche.

Ces dernières années ont en effet vu s’accélérer les initiatives vers une médecine plus personnalisée et efficace, et la génomique y joue un rôle majeur pour répondre à des besoins de plus en plus ciblés.

« Le système de santé français est souvent critiqué pour sa bureaucratie excessive et ses lourdeurs administratives, ce qui pourrait entraver à court terme l’adoption rapide de la médecine de précision basée sur la génomique. »

En France, les avancées sont notables, avec des investissements croissants dans la recherche, soit près de 8 milliards d’euros, et des initiatives ambitieuses telles que celles mises en œuvre dans le cadre d’Innovation Santé 2030, le volet santé de France 2030.

Au Québec, l’enthousiasme pour la génomique dans la médecine de précision est également palpable. Les investissements dans la recherche génomique ont augmenté de manière significative ces dix dernières années, et devraient encore prendre de l’ampleur dans le déploiement du Plan Santé.

Cependant, malgré ces progrès, des défis persistent. Le système de santé français est souvent critiqué pour sa bureaucratie excessive et ses lourdeurs administratives, ce qui pourrait entraver à court terme l’adoption rapide de la médecine de précision basée sur la génomique.

Le système de santé québécois est également confronté à des problèmes de sous-financement chronique et de coordination, qui ralentissent la mise en œuvre efficace d’une médecine de précision accessible au plus grand nombre, et ce à grande échelle.

Accessibilité et adaptabilité

En France, si les obstacles réglementaires et bureaucratiques pourraient entraver l’accès des patients aux avancées génomiques, le défi de former les professionnels de la santé aux nouvelles technologies et de garantir une intégration fluide des données génomiques dans les pratiques cliniques reste de taille.

« Confronté à un système de santé vieillissant, le Québec va devoir faire le choix d’investir davantage dans les infrastructures technologiques et les ressources humaines pour exploiter pleinement le potentiel de la génomique dans la médecine de précision. »

Si le Québec est aussi confronté à la problématique de déficit de main-d’œuvre spécialisée, il connaît aussi un autre défi majeur : celui de l’accessibilité. En dépit des progrès réalisés dans la recherche génomique, l’inégalité dans l’accès aux services de santé, en particulier dans les régions éloignées, demeure un handicap important.

Confronté à un système de santé vieillissant, le Québec va devoir faire le choix d’investir davantage dans les infrastructures technologiques et les ressources humaines pour exploiter pleinement le potentiel de la génomique dans la médecine de précision. Le ministre Dubé est attendu de pied ferme sur ce plan.

Pour des données ouvertes

Les défis d’accessibilité et d’adaptabilité des systèmes de santé sont donc des freins potentiels, mais l’avenir de la génomique dans la médecine de précision reste prometteur autant en France qu’au Québec. Ces deux régions peuvent notamment compter sur des écosystèmes de recherche dynamiques et des partenariats internationaux solides.

Mais l’éléphant dans la pièce reste l’accès aux données massives en santé.

Il faut disposer d’énormément de données pour alimenter le travail de nos chercheurs : des données génomiques, certes, mais également les données cliniques des patients.

Les séquenceurs nouvelle génération couplés à l’IA ont en particulier besoin de très grandes quantités d’informations pour offrir leur plein potentiel aux chercheurs. Notamment dans la lutte contre les cancers.

Vers une médecine personnalisée : les promesses et défis de la génomique

Il faut donc des données. C’est l’appel, le cri du cœur des chercheurs en génomique, aussi bien au Canada qu’en Europe. Sans données massives, pas de médecine de précision. Pas d’avancée profonde dans la prévention des cancers et des maladies complexes ou rares. Ce sont des centaines de milliers de patients que l’on condamne indirectement.

Alors, oui, l’accès aux données ouvertes en santé est une nécessité absolue. Non pas qu’il devienne le far-west d’une exploitation débridée de nos informations personnelles mais, réglementé sous l’égide de nos nouvelles législations – loi 25 au Québec, et RGPD, en Europe -, qu’il permette à nos chercheurs de travailler enfin correctement.

« Les séquenceurs nouvelle génération couplés à l’IA ont en particulier besoin de très grandes quantités d’informations pour offrir leur plein potentiel aux chercheurs. Notamment dans la lutte contre les cancers. »

Pour surmonter les défis d’adaptabilité auxquels ils sont confrontés, la France et le Québec devront adopter une approche proactive en la matière. Oui aux investissements ciblés dans l’infrastructure technologique, aux réformes réglementaires pour faciliter l’accès aux données génomiques et à une collaboration renforcée entre les acteurs du secteur de la santé.

Mais oui, aussi et surtout, à un accès plus massif aux données massives.

Crédit Image à la Une : Istock / Metamoworks