Ozempic, un médicament utilisé pour traiter les patients atteints de diabète, fait fureur sur les réseaux sociaux en raison de son effet coupe-faim sur ses consommateurs. Mais à quel prix?
Si vous êtes souvent sur les réseaux sociaux, il y a de fortes possibilités pour que vous ayez entendu parler de ce médicament, destiné à traiter le diabète de type 2, et qui fait sensation auprès des internautes. La raison? Ozempic favorise la perte de poids.
En effet, de la star mondiale à l’influenceur local, tout le monde semble vanter les mérites de cette molécule miracle, et ce, preuves à l’appui. Selon une étude menée par l’université de Harvard aux États-Unis, les vidéos Tiktok évoquant l’efficacité du médicament ont été visionnées plus de 70 millions de fois en 2022. Par ailleurs, on compte actuellement plus de 170 000 mots-clés du terme « Ozempic » et plus de 35 000 publications sous l’inscription « ozempicweightloss » sur Instagram.
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Cette popularité a même entraîné une pénurie importante d’Ozempic l’année dernière en Amérique du Nord. Une situation qui n’est pas encore aussi extrême en France, où le médicament est commercialisé depuis 2019 pour le traitement du diabète de type 2.
Que se passe-t-il, à long terme, lorsqu’un médicament destiné à traiter une maladie chronique devient viral pour des raisons cosmétiques? Et, surtout, cet engouement ne soulève-t-il pas une question plus importante : celle de notre rapport au surplus de poids?
La science de l’Ozempic
Si beaucoup d’entre nous connaissent l’Ozempic et son effet amincissant, très peu semblent savoir exactement ce qu’il renferme et le traitement auquel il est destiné.
L’Ozempic est une reproduction chimique et légèrement modifiée du glucagon-like peptide 1 (GLP-1). Une hormone que tout le monde possède et qui stimule la sécrétion d’insuline au niveau de l’estomac. Cela permet donc au pancréas de libérer de l’insuline afin d’équilibrer le taux de glycémie dans le corps.
Cependant, dans les cas du diabète de type 2, le corps ne répond pas correctement à cette hormone, ce qui se traduit par des niveaux élevés de sucre dans le sang. L’Ozempic aide alors à équilibrer le taux de glucose d’un patient souffrant de cette maladie. Dans le cas contraire, l’individu sera sujet à des symptômes tels que la fatigue chronique, la vision floue, la soif et les démangeaisons des organes. En l’absence de traitement ou de régulation, la maladie peut même conduire à un accident vasculaire cérébral (AVC).
Cependant, comme tout médicament, Ozempic peut causer des effets secondaires, le plus courant étant la nausée. Toutefois, selon le Dr Rémi Rabasa-Lhoret, endocrinologue à l’Institut de recherches cliniques de Montréal et au Centre hospitalier de l’Université de Montréal, ce symptôme est de courte durée et ne touche que 15 % des consommateurs, à condition que les doses soient respectées et prises de façon progressive.
Mais si les effets secondaires de l’Ozempic sont relativement minimes, ses effets positifs sur l’organisme sont nombreux, et de plusieurs manières. Toujours selon le Dr Rabasa-Lhoret, le médicament permet de réduire les problèmes cardiovasculaires et rénaux chez les patients atteints de diabète de type 2.
Il ajoute que « l’Ozempic agit également au niveau du cerveau sur les centres de contrôle de l’appétit et va réduire la sensation de faim. » Il en résulte donc une perte de poids…
La solution miracle ?
Depuis des décennies, l’industrie pharmaceutique est à la recherche d’un remède médical pour contrer les problèmes de surpoids. Aujourd’hui, Ozempic semble être devenu la solution miracle au phénomène. En effet, cette hormone artificielle entraîne une perte de poids moyenne de 15 % chez ses consommateurs.
« Il y a une action au niveau de l’estomac qui ralentit la vidange de l’organe et qui facilite le travail du pancréas puisque le sucre arrive plus progressivement », explique le Dr Rabasa-Lhoret.
Dès lors, bien que l’Ozempic soit un médicament conçu pour traiter les diabétiques de type 2, il serait tout aussi bénéfique dans la prévention de maladies chroniques chez les personnes souffrant d’obésité, y compris le diabète.
En France, la recommandation des experts de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) du 14 mars dernier indique bien que les les médicaments doivent être prescrits uniquement aux patients déjà sous traitement.
Aussi, l’Ozempic est-il le meilleur remède aux problèmes de surpoids ? Selon le Dr Rabasa-Lhoret, la réponse est non. Ou, du moins, cette hormone artificielle ne devrait pas être la solution principale aux problèmes de poids. En effet, s’il reconnaît les bienfaits de l’Ozempic, l’endocrinologue estime que la prise en charge est la première ligne de défense. Cela passe par la nutrition, la psychologie et l’activité physique. Ce n’est que lorsque ces trois piliers ne sont pas suffisants que le patient peut se tourner vers les produits pharmaceutiques.
Cependant, sachant que le mode de vie prévient le diabète, le Dr Rabasa-Lhoret déplore que trop peu de médecins pratiquent cette méthode de prise en charge et que de plus en plus de personnes se tournent vers un « quick fix », c’est-à-dire un moyen rapide et facile de perdre du poids.
Il ajoute qu’ « Il y a aussi cette idée préconçue du public que toute personne en surpoids devrait maigrir, mais c’est faux! »
Une envie noire
Le problème que pose la popularité fulgurante de l’Ozempic ne serait pas le produit en lui-même. Bien au contraire, les experts semblent reconnaître l’efficacité tout comme la qualité du médicament. Le vrai problème résiderait dans les motifs qui poussent les gens à se tourner vers l’Ozempic, et des limites qu’ils sont prêts à atteindre ou dépasser pour s’en procurer.
En effet, dans un monde où les réseaux sociaux et le souci de l’apparence physique dominent, la minceur est l’une des caractéristiques les plus importantes pour atteindre un idéal de beauté préétabli. C’est pourquoi de nombreuses personnes se sont tournées vers des solutions rapides telles que la chirurgie esthétique. Mais, aujourd’hui, c’est l’Ozempic qui est en vogue.
Encore faut-il être en mesure d’en obtenir une ordonnance. Mais, selon le Dr Rabasa-Lhoret, de plus en plus de patients demandent une prescription d’Ozempic. Il reconnaît n’avoir jamais vu un tel engouement pour un médicament : « Il y a des gens qui arrivent à convaincre leur médecin de famille de leur prescrire de l’Ozempic parce qu’ils vont en République dominicaine et qu’ils veulent une ‘solution miracle’. Pour eux, il n’y a pas d’accompagnement, la raison est ponctuelle. »
Néanmoins, la demande en est si forte qu’un marché noir s’est développé ces dernières années en Amérique du Nord. L’Europe n’est pas à l’abri d’une telle frénésie.
« En ce qui concerne l’Ozempic, on n’est plus dans un discours rationnel. Des gens qui n’en ont pas besoin vont donc l’obtenir. Cela témoigne d’une grande détresse chez les personnes qui en arrivent là. Cet engouement pour Ozempic nous fait réfléchir sur notre rapport au poids », conclut-il.
Crédit Image à la Une : Domaine public et iStock
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