L’intelligence artificielle (IA) transforme le paysage médical, permettant la mise en place de solutions plus précises, personnalisées et efficaces contre le cancer. Les avancées révolutionnaires de l’IA offrent des perspectives novatrices pour le diagnostic, le traitement et la recherche en cancérologie.
L’IA pour une meilleure détection
Pour les cancers du foie
Au Canada, le cancer du foie est la troisième cause de mortalité par cancer chez les hommes (4,7% de mortalité par cancer) et la 9ème chez les femmes (3,2% de tous les cancers), révèle un rapport émis par la Société canadienne du cancer (SCC), qui nous apprend également que 4 700 personnes au Canada recevront un diagnostic de cancer du foie ou des canaux biliaires hépatiques, et 3 500 personnes en mourront.
En tant que professeur titulaire au Département de radiologie, radio-oncologie et médecine nucléaire de l’Université de Montréal, et radiologiste au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), le Dr An Tang est bien au fait de cette réalité. Il travaille actuellement sur OncoTech, un projet d’IA qui vise à améliorer la détection des cancers du foie sur des appareils d’échographie.
« (…) au moins 20 % des cancers du foie passent sous le radar. »
– Dr An Tang, radiologiste
« À l’heure actuelle, lorsqu’on fait une échographie pour détecter un cancer du foie chez des patients qui sont à risque, la sensibilité, c’est-à-dire la proportion de patients dont on détecte les cancers, est inférieure à 80 %. Autrement dit, au moins 20 % des cancers du foie passent sous le radar. Puis, il y a des séries qui indiquent que le chiffre pourrait être aussi bas que 47 %. Donc, on pourrait rater la moitié des cancers précoces (soit des cancers mesurant moins de 2 cm) », soulève le Dr Tang.
Beaucoup de cancers sont seulement détectés une fois qu’ils sont plus gros, ou plus avancés. « L’enjeu, avec les cancers du foie, est de les détecter lorsqu’ils sont petits, parce qu’on peut les traiter de façon curative, c’est-à-dire dans l’espoir de guérison. Or, lorsqu’on les découvre plus tard et qu’ils sont plus gros, il faut alors s’en remettre aux traitements à visée palliative pour contrôler l’étendue de la maladie », ajoute-t-il. Solliciter l’intelligence artificielle devient alors intéressant pour analyser les informations, identifier les caractéristiques des tumeurs et optimiser le diagnostic.
Financer la recherche en oncologie
Au travers de projets novateurs, la Société canadienne du cancer (SCC) soutient les personnes atteintes du cancer en trois volets : en finançant des recherches de pointe, en défendant l’intérêt public en matière de besoins des patients, et en soutenant divers programmes au bénéfice de ces derniers. L’année dernière, elle a investi plus de 50 millions de dollars en recherche, dont 7,2 millions au Québec. Plusieurs projets de recherche portés par la SCC reposent sur différentes technologies innovantes relevant de l’intelligence artificielle.
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La SCC soutient notamment le projet de soutien-gorge intelligent du chercheur Elijah Van Houten, de l’Université de Sherbrooke. Analysant des données collectées, cette technologie de suivi pourrait révolutionner le dépistage du cancer du sein, agissant à la fois comme outil de prévention et comme moyen de détection en cas de premier cancer ou de récidive. Il s’agirait ainsi d’un moyen efficace et pratique d’être suivi, puisqu’il suffirait de le porter.
« On accélère l’innovation au bénéfice du patient et de ses proches, et ce, sur tout son continuum de vie. »
– Isabelle Girard, directrice des communications pour le Québec à la Société canadienne du cancer.
Pour une meilleure expérience du patient
Les algorithmes d’apprentissage profond peuvent bonifier les étapes de classification, segmentation et délimitation des cancers. Mais au-delà de la détection, l’IA peut améliorer l’expérience générale du patient, notamment au travers de la personnalisation des soins.
« On accélère l’innovation au bénéfice du patient et de ses proches, et ce, sur tout son continuum de vie. On passe donc de la prévention à la détection précoce, en passant par la découverte de meilleurs médicaments et la facilitation de la prise de rendez-vous », explique Isabelle Girard, directrice des communications pour le Québec à la Société canadienne du cancer.
Les outils d’IA sont d’ailleurs de plus en plus intégrés au CHUM, notamment par l’emploi de divers robots chirurgicaux et de véhicules autoguidés, pour ne nommer que ceux-là, et qui permettent au centre hospitalier de se hisser au sommet des palmarès recensant les hôpitaux les plus innovants au pays.
« L’IA a vraiment un potentiel extraordinaire pour transformer les soins, mais aussi pour personnaliser le parcours de soins du patient », croit Natalie Mayerhofer, co-fondatrice et adjointe directrice de l’École de l’intelligence artificielle en santé du CHUM (ÉIAS).
Des données difficilement accessibles
Malgré les promesses et bénéfices multiples de l’IA, créer des solutions technologiques n’est pas forcément chose simple en santé. Du 7 au 9 novembre s’est tenu le « Parcours IA-CANCÉROLOGIE au Québec : Partagez votre savoir avec impact ! » au CHUM. Ces journées de formation, organisées par la SCC et l’ÉIAS, avec le soutien du ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie du Québec (MEIE), avaient pour objectif d’équiper les experts en IA-santé du Québec pour qu’ils puissent transférer leurs connaissances, contribuant ainsi à améliorer l’intégration de l’IA dans le domaine de la cancérologie.
L’un des enjeux propres à l’IA en santé, soulevé lors de l’événement, se rapporte à l’accès aux données. Notons que le volume de données nécessaires pour créer des outils fiables et précis en cancérologie est difficile à obtenir : « Souvent, les prototypes qu’on développe et qu’on voit passer dans la littérature contiennent quelques centaines, voire quelques milliers d’exemples, si l’on se veut généreux. Mais les meilleures publications ont des dizaines, quand ce ne sont pas des centaines de milliers d’exemplaires », se désole le Dr Tang.
Les données requises doivent donc provenir de plusieurs hôpitaux pour en garantir l’importante quantité, une mobilisation qui s’avère difficile puisqu’elle commande de « fédérer des données de différents hôpitaux, surmonter les obstacles éthiques pour des projets multicentriques, signer des contrats de gré à gré entre différents hôpitaux, avoir des convenances budgétaires et arrimer les bases de données des différents hôpitaux », explique le Dr Tang.
Des procédures coûteuses en temps, souligne-t-il, appelant à modifier le cadre législatif en place pour réduire l’inertie du système : « Il y a des modèles qui existent ailleurs dans d’autres pays. Qu’est-ce qui nous empêcherait de les utiliser? Puis pourquoi n’en voit-on pas dans les hôpitaux québécois? C’est une question de volonté, mais aussi de budget. Qui va payer pour ça? Ça reste à clarifier. »
Des solutions novatrices répondent de plus en plus à ces difficultés. Par exemple, GEMINI est l’une des plus grandes bases de données et d’analyses hospitalières au Canada. Avec plus de 2,2 G de points de données, GEMINI permet « d’accélérer la recherche et l’amélioration de la qualité pour d’excellents soins aux patients ».
Des projets éthiques et responsables
En matière de gestion des données, les professionnels de la santé et les chercheurs universitaires sont les acteurs à qui les Québécois font le plus confiance, selon un rapport CIRANO-OBVIA de 2022. « (En santé), il y a toute une valorisation de l’éthique et des processus, un encadrement légal qui est très important. Il y a une confiance envers les travailleurs de la santé qui n’est pas nécessairement présente dans d’autres milieux », met en évidence Natalie Mayerhofer.
« (En santé), il y a toute une valorisation de l’éthique et des processus, un encadrement légal qui est très important. Il y a une confiance envers les travailleurs de la santé qui n’est pas nécessairement présente dans d’autres milieux. »
– Natalie Mayerhofer, co-fondatrice et adjointe directrice de l’École de l’intelligence artificielle en santé du CHUM (ÉIAS)
Le Dr Tang soutient que les risques en matière de cybersécurité sont réduits par l’anonymisation des données : « Les données qui sont envoyées sur le nuage doivent être anonymisées, à moins que le dossier ne roule dans les limites du pare-feu de l’hôpital, auquel cas elles peuvent être identifiées, simplement, sans être complètement anonymes. Ce que je veux dire par là, c’est qu’il peut y avoir un code qui indique votre nom ou le mien, mais sans que nos noms et dates de naissance ne soient divulgués au logiciel pour permettre de nous retracer en tant qu’individus. »
S’ajoutent à ces mesures d’anonymisation d’autres outils éthiques, dont des codes de déontologie ou des guides d’usages. L’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) a d’ailleurs développé un outil évaluant le degré de responsabilité des solutions de santé numérique. Une publication née d’ « une collaboration exceptionnelle de la part d’experts internationaux », selon Pascale Lahoux, vice-présidente scientifique de l’INESSS et co-auteure de l’outil.
Les mesures d’encadrement éthique existent et sont prises en considération dans le milieu hospitalier québécois, avance Christian Blouin, patient partenaire du CHUM. Pour lui, l’éthique d’un projet d’IA passe aussi par le fait de garder le patient au cœur des priorités : « On est dans une situation charnière dans le monde de la santé, et il ne faut pas manquer le bateau, mais ce qui est extraordinaire est que le CHUM est à l’avant-garde et (inclut) des patients partenaires dans ses projets. »
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Crédit Image à la Une : MART PRODUCTION (Pexesl) et Getty Images