S’il est un sujet actuellement sur toutes les lèvres en France, c’est bien celui de la relocalisation industrielle, de la réindustrialisation de nos territoires. La composante technologique en fait partie, mais pas seulement. Au Québec, si les impératifs d’innovation semblent obséder les esprits, la résultante ne se traduit pas en compétitivité industrielle pour autant.
Ils ne sont pas passés inaperçus. Les chiffres du dernier baromètre national de mesure de l’évolution industrielle en France étaient attendus dans les régions comme l’éclosion des premiers bourgeons printaniers.
C’est au 6ème salon du Global Industrie, qui s’est tenu à Paris il y a quelques jours, que ces chiffres ont été dévoilés.
Et ils sont un véritable rayon de soleil pour tous les acteurs du monde économique : avec 201 ouvertures nettes de sites industriels en 2023, il s’agit d’une augmentation de 14% en un an. Une croissance en phase avec la volonté de retrouver la souveraineté industrielle qui faisait défaut au pays depuis plus de trente ans.
Les facteurs du succès
La région Auvergne-Rhône-Alpes se distingue au palmarès de ces ouvertures d’usines avec 73 créations sur les 201 enregistrées au niveau national, comme le rappelait il y a quelques jours notre journaliste Laurie Bruno, dans le cadre de son article sur la French Fab.
Une région qui concentre à elle seule près de la moitié des projets de relocalisation industrielle sur le plan national.
Une bonne nouvelle qui tendrait à confirmer une stratégie qui vise à asseoir un mouvement de réindustrialisation global reposant sur un ancrage solide localement. C’est le sens notamment du Plan industrie de BPI France, qui s’engage dans un porte-à-porte de masse auprès des industriels sur tout le territoire.
« C’est le regroupement sur un même territoire d’entreprises et d’institutions spécialisées dans des domaines similaires, avec une vraie dynamique de relais de formation, qui crée de la compétitivité et de l’innovation. Pas l’inverse. »
En Auvergne-Rhône-Alpes, cet ancrage résulte de la proximité d’écosystèmes qui réunissent une diversité de grands groupes industriels et de centres de recherche mondialement reconnus. Ce qui favoriserait une véritable culture d’innovation.
Mais l’innovation n’est pas le principal facteur de succès mis de l’avant. Ce qui relève avant tout de la réussite constatée tient avant tout à la volonté de ne pas oublier les fondamentaux de l’industrie : en particulier, le développement d’infrastructures logistiques efficaces, notamment en transport, la formation et l’éducation ainsi que la multiplication des clusters.
Global Industrie : « La French Fab incarne une industrie durable, responsable et engagée »
C’est le regroupement sur un même territoire d’entreprises et d’institutions spécialisées dans des domaines similaires, avec une vraie dynamique de relais de formation, qui crée de la compétitivité et de l’innovation. Pas l’inverse.
Ne pas tout miser sur l’innovation
Si la recette semble fonctionner en Auvergne-Rhône-Alpes, au Québec, le constat est tout autre. Au début du mois dernier, le Centre sur la productivité et la prospérité – Fondation Walter J. Somers (CPP) a jeté un véritable pavé dans la mare avec son rapport Productivité et prospérité au Québec – Bilan 2023.
Et il n’y est pas allé par quatre chemins : la politique industrielle du Québec serait, selon ses auteurs, un échec et nuirait à la croissance économique de la province.
« Il faut revenir aux fondamentaux de la politique industrielle. »
En cause, aux yeux de Robert Gagné, le directeur du CPP et coauteur de l’étude, le fait que le gouvernement québécois « force l’essor de créneaux qu’il juge prometteurs et cherche passivement à préserver des emplois dans des entreprises peu porteuses sur les plans de la productivité, de l’innovation et de l’investissement ».
Il en résulterait, toujours selon lui, « un environnement peu stimulant qui tend à limiter la croissance économique au lieu de l’accélérer, avec les conséquences que l’on observe aujourd’hui. »
En d’autres termes, le soutien artificiel à certaines entreprises au nom de l’innovation à tout crin, à coup de centaines de millions de dollars de financement, n’est en rien vertueux pour le développement industriel de la province.
Il faut revenir aux fondamentaux de la politique industrielle.
Réinvestir là où ça compte
Or, le Québec et a fortiori le Fédéral si l’on en juge par les toutes dernières annonces du Premier ministre Trudeau, investit depuis bien des années dans une culture d’innovation qui vise à développer son avantage compétitif sur le plan industriel. Mais cet avantage peinerait à se matérialiser dans les faits parce qu’il bénéficierait en premier lieu à des organismes et à des entreprises qui se révèlent incapables d’appuyer sur les véritables leviers de la productivité.
En somme, l’argent public ne serait pas alloué là où il faut, si l’on s’en tient aux conclusions du rapport du CPP.
Des technologies de pointe immersives qui révolutionnent plusieurs industries
Le Québec entend bien s’appuyer sur ses zones d’innovation pour rendre plus accessible, plus fluide, la recherche, l’automatisation des processus et l’intelligence artificielle aux entreprises dans un cadre de collaboration active entre diverses industries. Mais les chiffres, là encore, ne donnent pas encore totalement raison à cette ambition car la stimulation reste elle aussi prioritairement axée sur le soutien à l’innovation.
La France, à l’image de la région Rhône-Alpes-Auvergne, semble mieux y parvenir sans doute en raison d’une plus grande diversité de son bassin industriel qui permet par percolation une plus grande application des innovations à l’œuvre mais aussi par des cultures industrielles solides : celle de l’industrie métallurgique, de l’industrie électronique, de l’industrie de la data, de l’industrie de la santé ou bien encore de l’énergie.
Il ne suffit pas de répéter ad nauseam qu’on veut rendre nos industries plus innovantes pour les rendre plus compétitives, il faut avant tout revenir aux fondamentaux de la culture industrielle tels que rappelés plus avant.
La région Auvergne-Rhône-Alpes l’a bien compris. Le Québec devrait s’en inspirer pour redresser la barre d’une économie en perte de vitesse et qui risque rapidement de devenir de moins en moins attractive.
Et ce, en dépit des centaines de millions de dollars investis depuis des années par les deux paliers de gouvernement.
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Crédit Image à la Une : Unsplah / Christopher Burns