CScience a suivi puis abordé Gabriel Attal lors de sa visite au Québec la semaine dernière, juste avant son retour vers Paris. Durant les échanges du premier ministre français avec ses homologues au Canada et au Québec, Justin Trudeau et François Legault, il aura été question de l’accord de libre-échange (CETA ou AECG), de francophonie et de laïcité, mais aussi d’innovation.
C’est à la fin de son premier voyage au Canada que M. Attal a rencontré la communauté française à Montréal, au restaurant Le 9e du Centre Eaton, ainsi que la rédaction de CScience et une poignée d’autres journalistes.
« Quand je parle de gel budgétaire, une des lignes rouges est l’accompagnement des entreprises et l’innovation »
– Gabriel Attal, premier ministre de la France
Soutenir l’innovation en quantique et en IA
Interpellé par CScience quant au fait que le domaine du quantique – où une collaboration marquée entre la France et le Québec fait des petits dans la zone d’innovation en quantique de Sherbrooke – allait demander des investissements et un soutien significatif de l’État pendant au moins quinze ans, M. Attal a justifié le gel de 10 milliards d’euros (Md€) des dépenses de l’État français, le qualifiant d’acte « responsable ».
De son côté, le gouvernement du Canada a prévu dans son budget 2024 une enveloppe de 2,4 milliards de dollars canadiens (environ 1,64 Md€) pour l’IA.
Questionné à savoir si, dans ce contexte d’austérité budgétaire, la France aurait les épaules pour soutenir les acteurs du quantique et de l’IA sur le long terme, il a soutenu que le mécanisme du gel signifie que des crédits peuvent être débloqués « en fonction de la situation », la réserve de précaution permettant à l’État « de s’adapter ». Il ne devrait pas avoir à faire, avec Bruno Lemaire, son ministre de l’Économie, d’arbitrage budgétaire sur ces thèmes.
Horizons quantiques au Québec : le maillage entre entreprises, talents et recherche
Le chef du gouvernement français a rappelé le soutien, via le plan d’investissement France 2030, à la recherche en informatique quantique et les supercalculateurs, soit 1,8 Md€ sur quatre ans, dont plus d’1 Md€ financé par l’État. « La France est un leader mondial dans la recherche en intelligence artificielle, s’est-il réjoui. Nous rappelons souvent ce qui va mal, moins ce qui fonctionne. »
Lors de sa conférence de presse avec M. Trudeau à Ottawa, M. Attal a exprimé qu’il souhaitait que « cette alliance s’ancre dans des projets concrets, des partenariats toujours plus étroits au service de nos populations. Le progrès, c’est chercher, trouver des solutions pour un monde plus prospère. Cela est l’objet de nos partenariats en matière de recherche et de développement […] Notre alliance, c’est maitriser les technologies de demain et peser dans l’ordre mondial. »
« Nous avons identifié plusieurs domaines stratégiques : évidemment, l’intelligence artificielle, qui va redéfinir une grande partie du monde, et le quantique, porteur de tant de changements […] »
– Gabriel Attal, premier ministre de la France
Sylvie Retailleau, la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche de France, était de retour au Canada. Il y a un an, elle était là pour lancer le Comité mixte France-Canada pour les Sciences, la Technologie et l’Innovation. « Ses premières thématiques concernaient l’IA et le quantique, et nous continuons », a insisté le premier ministre.
Rappelons que des entreprises françaises ont rejoint DistriQ, zone d’innovation quantique de Sherbrooke, au Québec, qui aura nécessité un investissement de 166 M$. Ladite zone s’est associée pour cinq ans à iXcampus situé à Saint-Germain-en-Laye, en France. Parmi elles, Exaion, une filiale à 100 % d’EDF, ou PASQUAL, créée en 2019 et déjà leader dans la construction de processeurs quantiques.
Le centre de données Bellevue : une première mondiale en hybridation quantique et écoresponsabilité
M. Attal a réaffirmé l’envie du côté français de poursuivre et renforcer les partenariats avec le Québec. « Nous avons identifié plusieurs domaines stratégiques : évidemment, l’intelligence artificielle, qui va redéfinir une grande partie du monde, et le quantique, porteur de tant de changements […] », a indiqué M. Attal. Les ministres qui l’accompagnaient ont discuté avec leurs homologues des technologies liées aux défis liés à la transition écologique et énergétique, dont la décarbonisation, au transport, ou aux minéraux critiques. Plusieurs annonces devraient en découler.
Le rayonnement de la culture scientifique francophone
Lors de la signature de la déclaration commune avec M. Legault à Québec, M. Attal a mis à l’honneur la langue française. « Cette déclaration nous permet de fixer des axes de travail principaux pour les années à venir, avec une attention particulière sur la question de la découvrabilité des contenus culturels et scientifiques francophones, c’est-à-dire la disponibilité en ligne de ces contenus en français au milieu des publications en anglais, et pas en arrière-plan […] Il faut assurer le rayonnement et la visibilité des publications que la langue française nous donne en partage. »
Le thème principal du 19e Sommet de la Francophonie sera d’ailleurs « Créer, innover et entreprendre en français ». Il aura lieu en octobre 2024 à Villers-Cotterêts et Paris, en France.
[ÉDITO + ANALYSE] « Il y a urgence d’agir » pour la science et la culture en français
Des liens forts dans la recherche
« Le CNRS français [Centre national de la recherche scientifique] va signer un accord avec plusieurs universités canadiennes sur la recherche appliquée dans l’hydrogène », a annoncé au micro de Radio-Canada Michel Miraillet, ambassadeur de France au Canada. Le président-directeur général du CNRS, Alain Petit, était d’ailleurs du périple.
Le premier ministre a fait le déplacement dans le cadre des rencontres alternées des premiers ministres, « exercice qui ne s’était pas tenu depuis 2016 ». M. Miraillet croit en une volonté entre les deux pays de « relancer les partenariats sur l’lA », avec un développement « autour de l’individu et non pas contre ».
Crédit Image à la Une : Gabriel Attal en visite au Québec. (Photo : Lilian Largier)