France 2030 : 73 millions d’euros investis dans la recherche pour une « IA à la française »

France 2030 : 73 millions d’euros investis dans la recherche pour une « IA à la française »

Le 25 mars dernier, le programme de recherche sur l’intelligence artificielle co-piloté par le CEA, le CNRS et Inria a été lancé au Centre de congrès du World Trade Center de Grenoble. Son budget de 73 millions d’euros financé par France 2030 vise à accompagner l’accélération de la France dans le domaine de l’IA. Anuchika Stanislaus-Mallet et Guillaume Bordry, respectivement conseillère numérique et grands projets et conseiller enseignement supérieur et recherche au sein du secrétariat général pour l’investissement, reviennent sur la portée de ce programme.

Lundi 25 mars 2024, Centre de congrès du World Trade Center de Grenoble. Sylvie Retaillau, Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, a fait le déplacement depuis Paris pour lancer officiellement le programme et équipement prioritaire de recherche (PEPR) dédié à l’intelligence artificielle. Au total, 73 millions d’euros sont injectés sur les six prochaines années dans neuf projets répartis sur trois grandes thématiques. Il y a d’abord l’IA frugale et l’IA embarquée, qui visent notamment à rationaliser la consommation énergétique des systèmes d’intelligence artificielle, puis l’IA de confiance et distribuée sur les enjeux de robustesse, de confidentialité et de sécurité des systèmes, et enfin la recherche sur les fondements mathématiques de l’intelligence artificielle.

« Un booster spécifique avec une approche par la recherche »

Guillaume Bordry est conseiller enseignement supérieur et recherche au Secrétariat général pour l’investissement. Crédit photo : Guillaume Bordry

« Ce PEPR n’est qu’un exemple de l’ensemble du programme France 2030 dont l’objectif est de rattraper le retard industriel français, d’investir massivement dans les technologies innovantes ou encore de soutenir la transition écologique, en s’appuyant sur ce levier essentiel qu’est la recherche française », indique Guillaume Bordry, conseiller enseignement supérieur et recherche au sein du pôle connaissance du secrétariat général pour l’investissement (SGPI). Selon lui, la démarche se veut systémique pour organiser la nation autour de ces priorités en s’appuyant sur des organismes nationaux de recherche sur l’IA.

Le plan France 2030 répond en effet à un certain nombre d’objectifs fixés par le Président de la République, objectifs qui doivent nécessairement être appuyés par une stratégie de recherche, selon Guillaume Bordry. Il rappelle qu’au total, trois milliards d’euros ont été injectés dans la recherche, notamment en quantique et en cybersécurité. C’est aujourd’hui le cas pour l’IA, dont les premiers grands investissements remontent à mars 2018. « Ce PEPR qui arrive en 2024 s’inscrit donc dans un écosystème déjà structuré. » Il qualifie ce programme de « booster spécifique avec une approche par la recherche ». Loin du premier signe de réveil, il poursuit une démarche initiée six ans plus tôt.

« Ce PEPR qui arrive en 2024 s’inscrit donc dans un écosystème déjà structuré. »

— Guillaume Bordry, conseiller enseignement supérieur et recherche au sein du pôle connaissance du secrétariat général pour l’investissement (SGPI)

La communauté scientifique au service d’une IA frugale

Anuchika Stanislaus-Mallet est conseillère numérique et grands projets au Secrétariat général pour l’investissement. Crédit photo : Paris, lundi 3 avril 2023, Hotel de Cassini, Secrétariat géneral pour l’investissement (SGPI)

Anuchika Stanislaus-Mallet, conseillère numérique et grands projets au sein du pôle souveraineté numérique du SGPI, pointe l’excellence de notre formation mathématique en France qui est mise au service des priorités stratégiques du gouvernement grâce à ce programme. Parmi les applications concrètes, elle cite notamment une série d’appels à projets pour financer des démonstrateur en IA : « On se situe plus en aval dans la chaîne de valeur, mais tous ces dispositifs vont alimenter ce programme dans une forme de capitalisation pour obtenir des retombées économiques. » Ces liens étroits avec l’écosystème industriel orientent la recherche scientifique et académique vers des retombées économiques directes.

Si l’IA embarquée et l’IA digne de confiance sont indispensables, elle explique que le programme a pour objectif de se concentrer également sur l’IA frugale. Cette dernière vise à optimiser les méthodologies d’apprentissage frugal d’entraînement sur des bases de données maîtrisées sans faire l’impasse sur la puissance de calcul et la performance des modèles. « Avec ces modèles d’IA frugaux, on a pour objectif d’avoir un impact positif sur la société », souligne-t-elle, rappelant qu’« il faut qu’on ait la possibilité de faire confiance à l’IA avec des modèles émergents frugaux qui seront par la suite intégrés à des modèles systémiques ».

« On se situe plus en aval dans la chaîne de valeur, mais tous ces dispositifs vont alimenter ce programme dans une forme de capitalisation pour obtenir des retombées économiques. »

— Anuchika Stanislaus-Mallet, conseillère numérique et grands projets au sein du pôle souveraineté numérique du secrétariat général pour l’investissement (SGPI)

De la recherche fondamentale jusqu’à l’application concrète à l’économie, « le programme joue le rôle de brique de recherche fondamentale dans une approche globale de l’IA », explique Guillaume Bordry. Augmenter les volumes d’effectifs, sensibiliser et former les spécialistes… L’objectif affiché est un passage à l’échelle en termes de formation sur l’IA. Quatre pôles de recherche, de formation et d’innovation disposent aujourd’hui du label 3IA, à savoir MIAI Grenoble-Alpes, avec pour applications privilégiées la santé, l’environnement et l’énergie, 3IA Côte d’Azur à Nice, avec pour applications privilégiées la santé et le développement des territoires, PRAIRIE, à Paris, avec pour applications la santé, les transports et l’environnement et enfin ANITI à Toulouse avec pour applications privilégiées le transport, l’environnement et la santé. D’autres établissements et universités, dont les dossiers sont actuellement étudiés, viendront bientôt compléter cette liste.

« Le programme joue le rôle de brique de recherche fondamentale dans une approche globale de l’IA »

— Guillaume Bordry, conseiller enseignement supérieur et recherche au sein du pôle connaissance du secrétariat général pour l’investissement (SGPI)

Développer une IA « à la française, robuste mais explicable »

Selon Anuchika Stanislaus-Mallet, la France est très bien positionnée au niveau mondial en matière d’IA grâce notamment à des politiques publiques solides, dans lesquelles ce PEPR s’inscrit. «Il n’y a pas de retard significatif sur la technologie, on essaie au contraire d’avoir de l’avance sur l’IA générative », explique-t-elle. Elle cite le lancement d’un dispositif permettant d’augmenter la capacité des entreprises à intégrer l’IA générative dans leurs processus de production. « Ce dispositif permettra par la suite de déployer des modèles d’IA génératives à plus grande échelle », précise-t-elle.

Elle rappelle néanmoins que l’adoption de l’intelligence artificielle est parfois confrontée à des obstacles, notamment en matière de confiance et d’expertise. « On développe tout une approche intégrant les valeurs de la France et de l’Europe pour en faire une force de frappe », explique-t-elle. « Le PEPR entend développer une IA qui permette d’obtenir un consensus, qui puisse expliquer comment elle a pris une décision, apportant une vraie valeur ajoutée. Une IA à la française, robuste mais explicable », conclut-elle.

« On développe tout une approche intégrant les valeurs de la France et de l’Europe pour en faire une force de frappe »

— Anuchika Stanislaus-Mallet, conseillère numérique et grands projets au sein du pôle souveraineté numérique du secrétariat général pour l’investissement (SGPI)

Appliquer la recherche en IA à l’industrie, l’exemple de la région AURA

« Ce n’est pas anodin que le lancement se soit déroulé dans la région », sourit Anuchika Stanislaus-Mallet. Dans les 9 PEPR, il y a toujours une partie prenante rattachée à l’Auvergne-Rhône-Alpes, première région industrielle de France. « Au-delà des chercheurs et des universitaires, il y a tout ce tissu industriel sur lequel on peut compter. Il y existe une vraie dynamique dans la région ».

Guillaume Bordry va dans son sens en soulignant l’excellence du pôle grenoblois. « Il y a un centre universitaire et un pôle de recherche extrêmement important. On a un certain recul qui nous permet de constater que les retombées sont multipliées par quatre au niveau des écosystèmes universitaires, au sein des institutions territoriales, mais aussi au coeur du tissu industriel », souligne-t-il. « On fait en sorte de financer de la transformation pour favoriser une appropriation locale et territoriale qui sera, on espère, la plus fructueuse possible ». Le territoire d’AURA semble déjà, pour sûr, avoir tous les ingrédients pour atteindre cet objectif.

Pour aller plus loin :

Le projet MinaSmart s’officialise en AURA pour accélérer l’adoption des technologies numériques dans l’industrie

Crédit Image à la Une : INRIA, LinkedIn