Le mardi 19 mars, le lieu totem de l’innovation lyonnaise H7 a accueilli le Booster Day, journée dédiée aux acteurs et actrices qui accompagnent les start-up françaises. Parmi les nombreux ateliers, conférences et temps d’échanges, CScience s’est intéressée à une thématique pointue : la place des outils technologiques dans l’accompagnement des start-up.
« La promesse, c’est de gagner six mois de votre job en une journée », lance en ouverture de l’événement Marjorie Pouzadoux, co-présidente de La Boussole des entrepreneurs et directrice générale adjointe du studio d’innovation Schoolab. Mardi dernier, près de 150 personnes ont fait le déplacement chez H7 à Lyon pour assister aux différents ateliers pratiques et conférences organisés par les associations France Digitale et La Boussole des entrepreneurs. Incubateurs, accélérateurs, fonds d’investissement, associations, institutions… le Booster Day se veut à l’attention de « celles et ceux qui font grandir les start-up et les entrepreneurs ».
Feyrouz Tripotin, co-présidente de La Boussole des entrepreneurs et rattachée à la direction des relations entreprises de KEDGE Business School, a rappelé l’objectif de l’événement : rassembler les acteurs de partout en France pour faire grandir l’écosystème de l’innovation tricolore. Il y avait par exemple un atelier sur « Cultiver la santé mentale et structurer son équipe », un autre sur « Le CRM, cultiver la santé mentale et structurer son équipe », ou une conférence sur « pour apprendre à structurer son offre quand on ouvre d’autres lieux ».
« La promesse, c’est de gagner six mois de votre job en une journée »
— Marjorie Pouzadoux, co-présidente de La Boussole des entrepreneurs et directrice générale adjointe du studio d’innovation Schoolab
Les outils numériques comme accélérateurs de valeur
Dans l’après-midi, une conférence animée par le responsable des outils technologiques chez France Digitale Richard Samier a particulièrement retenu l’attention de la rédaction de CScience. Elle réunissait trois experts pour répondre à une question pointue : « Comment optimiser ses outils pour se recentrer sur le temps humain ? »
François Plattard, responsable au sein de la plateforme de gestion de la relation client Hubspot, indique qu’il intègre des outils technologiques dès l’on-boarding (adhésion) des start-up. Selon lui, l’automatisation permet d’aider à faire le travail en amont du rendez-vous pour gagner en efficacité et valoriser l’échange humain au moment de la rencontre.
Pauline Paquet, directrice des opérations du fonds d’investissement Xange, semble avoir largement intégrer des outils numériques à son quotidien. « 40 % de notre accompagnement est automatisé aujourd’hui », indique-t-elle. Elle explique que la technologie peut être un accélérateur de valeur en fonction de la taille de l’entreprise qu’elle accompagne. Parmi les différentes tâches automatisables, elle cite deux exemples : Combien de temps une entreprise doit passer sur une phase, ou combien investir en fonction du niveau de maturité d’une start-up. « On gagne trois mois de recherche manuelle ! », souligne-t-elle.
« 40 % de notre accompagnement est automatisé aujourd’hui. »
— Pauline Paquet, directrice des opérations du fonds d’investissement Xange
Si elle ne croit pas en la plateforme d’accompagnement – le mur du login et du mot de passe étant encore trop difficile à faire tomber selon elle – elle automatise l’on-boarding, crée des arbres de décision sur la sélection des candidatures (véritable appui car elle reçoit 50 dossiers par semaine) et utilise des logiciels pour programmer les publications sur les réseaux sociaux. Selon elle, les outils doivent servir le moment d’échange avec l’entrepreneur : « Même si 40 % de l’accompagnement est automatisé, c’est en interne et c’est surtout pour éviter que l’entrepreneur se rende compte qu’on le fait pour 90 entreprises en même temps. La tech est donc peu visible mais elle nous permet de nous focaliser sur ce qu’il y a de plus important », conclut-elle. Au total, Xange utilise 30 outils au quotidien.
Trouver un équilibre entre efficacité et authenticité
Maëva Tordo, directrice de l’incubateur de l’ESCP Business School Blue Factory, prône une vision plutôt low-tech. « Vu la diversité de nos programmes et nos entrepreneurs, on a opté pour une option « fait-maison type Airtable », explique-t-elle. Elle évoque une sensation de se cacher derrière les outils et un sentiment de perte de temps. Selon elle, un rendez-vous en face-à-face avec un primo-entrepreneur est plus efficace et peut régler beaucoup de problématiques sans avoir recours à la tech.
« Pour l’instant, le besoin fait la loi », résume-t-elle. Dès que le projet se structure, elle note que la solution technologique n’est plus nécessaire. « J’ai le sentiment qu’il n’y a pas de réponse finale à ces outils. C’est lié à chaque problématique de chaque start-up et la tech est essentielle selon les moments. » « Nous, on est plutôt low-tech et ça fonctionne jusqu’à une certaine limite », ajoute-t-elle. Elle souligne également une notion d’instinct et de réseau propre à l’humain, que l’IA ne peut pas voir.
Pauline Paquet va dans son sens : « Dans nos métiers, on nous demande de parler financement, RH , marché… Autant de langues différentes au quotidien que la tech ne peut englober ». Sur les outils impliquant de l’intelligence artificielle, elle explique les utiliser dans le cadre d’une analyse de marché, pour comprendre ce qu’il se fait chez les concurrents ou « copains ». Ces tâches générant beaucoup de données, l’IA devient alors un accélérateur. Elle rappelle néanmoins « qu’il faut faire attention à ne pas oublier l’analyse, car la force de nos métiers c’est de sauter sur pleins de sujets. Cette force se créer au fur-et-à-mesure qu’on engrange de la donnée et il ne faut pas totalement remplacer ça. »
« J’ai le sentiment qu’il n’y a pas de réponse finale à ces outils. C’est lié à chaque problématique de chaque start-up et la tech est essentielle selon les moments. »
— Maëva Tordo, Directrice de l’incubateur de l’ESCP Business School Blue Factory
Les outils digitaux doivent avant tout servir à automatiser les tâches chronophages telles que les relances client, la détection de nouvelles levées de fonds, ou encore les changements de CEO, pour libérer le plus de temps possible.
À défaut d’une solution tech tout-en-un, un puzzle d’outils
Interrogée sur l’outil qui lui apporte le plus de valeur, Pauline Paquet cite Zapier, mais aussi ChatGPT, « en bonne course ». La réponse selon elle réside dans un puzzle qui fait gagner du temps. Elle utilise un trio de Notion, Airtable et Zapier mais indique être à l’affût tous les jours de potentiels nouveaux outils capables de l’aider demain. Elle soulève néanmoins un manquement : il n’existe pas aujourd’hui d’outil tout-en-un sur le marché qui corresponde à la gestion de communauté. Pour pallier cet enjeu, elle indique « tordre des outils » pour réunir toutes les données et construire une stratégie année après année. « Typiquement, on va utiliser des CRM pour suivre les sociétés qu’on accompagne. »
S’agissant des outils technologiques plébiscités par le volet formation de Blue Factory, Maëva Tordo cite tout simplement WhatsApp. « C’est adapté à toute personne de 18 à 50 ans dans le monde entier, et c’est plus direct. » Elle privilégie aussi une méthode traditionnelle pour le reporting régulier : « Je n’ai pas automatisé ça, j’appelle les entrepreneurs ou je les rencontre. Cela ne me dérange pas et ça contribue à maintenir le contact humain ».
En ouverture du débat, une personne du public s’interroge : Est-ce que les outils nous aident à dépasser nos propres biais ? De prime abord, on pourrait penser que le numérique permet d’apporter un côté factuel, étant programmé comme neutre. Mais Pauline Paquet ne partage pas son avis : « C’est presque le contraire, car mes data points diraient de me concentrer que sur les entreprises rentables, ce n’est pas idéal en ce sens… » Le débat est ouvert.
Pour aller plus loin :
Au H7, les voeux de « Bonne et Divine année 2024 » de France Digitale
Crédit Image à la Une : France Digitale