Le 19 décembre dernier, le Village By CA du Grand Est accueillait dans ses installations de Charbonnières-les-Bains une délégation de gestionnaires venue de toute la région et même d’ailleurs, ainsi que des représentants de l’Ecole supérieure de commerce de Clermont-Ferrand. Au menu des discussions : l’intrapreneuriat comme catalyseur de transformation des entreprises et une annonce : l’accueil dès janvier à Lyon de la certification “Intrapreneuriat & démarche start-up” de l’ESC Clermont.
Une cinquantaine de participants, plusieurs ateliers de discussions répartis dans différentes salles du lumineux édifice du Village By CA, du café chaud, des pains d’épices pour souligner l’approche des fêtes, et surtout beaucoup d’attentes. Certains gestionnaires avaient même fait le déplacement depuis… la Bretagne.
Il faut dire que ce n’est pas tous les jours qu’un responsable de Michelin et des experts reconnus de l’intrapreneuriat font le déplacement pour dévoiler leur secret en la matière. Ce qu’a pris soin de souligner d’entrée de jeu la maire du Village, Cécile Rabaud, rappelant que l’objectif de telles rencontres étaient de réunir des gens qui ont une expérience sur le sujet avec des gens qui se posent des questions.
Valoriser l’initiative
S’il y a bien un sujet sur lequel se sont entendus l’ensemble des participants, c’est bien le but recherché à travers l’intrapreneuriat : valoriser l’initiative des salariés au sein de l’entreprise. Pour les motiver, les retenir, les épanouir.
Selon la définition commune qu’on en donne, l’entrepreneuriat vise ainsi la mise en place d’une démarche d’entrepreneuriat au sein de l’entreprise. Autrement dit, l’entreprise laisse à ses salariés le soin de développer en interne des projets économiques innovants, en leur accordant une large liberté dans la mise en œuvre de ces projets.
“On a tendance à confondre innovation et intrapreneuriat.”
– Aristide Wolfrom, cofondateur de Spark Lab
Encore faut-il s’entendre sur ce que représente une démarche d’entrepreneuriat qui valorise sainement l’initiative innovante chez les salariés. C’est-à-dire, passer de l’idée à un projet à succès. Selon la chercheure en sciences cognitives, la Docteure Saras Sarasvathy, autrice en 2005 d’une très célèbre thèse qui a défini l’entrepreneuriat d’effectuation, autrement dit la démarche qui gouverne le processus d’entrepreneuriat, cinq principes sont à observer pour garantir le maximum de succès à une idée :
- les ressources définissant les objectifs
- la perte acceptable
- susciter l’engagement des partenaires
- tirer parti des surprises
- contrôler pour ne pas avoir à prédire
Des principes que tente d’appliquer chez ses clients l’entreprise conseil spécialisée dans le domaine et basée à Lyon, Spark Lab.
Transformer et développer le capital humain
Selon le cofondateur de Spark Lab, Aristide Wolfrom, deux enjeux majeurs se posent aux organisations quand il s’agit de mettre en oeuvre une politique d’intrapreneuriat.
Le premier enjeu concerne la transformation, la diversification du modèle économique. C’est ce que l’on nomme couramment le “dilemme du chef d’entreprise”. Il concerne la problématique suivante : explorer de nouveaux marchés tout en exploitant l’activité courante. Pas facile, en somme, de développer de nouvelles idées quand on doit déjà garantir la rentabilité et la pérennité de celle qu’on a déjà initiée.
“on le fait pour gérer l’échec”
– Marc Evangelista, responsable du Michelin Innovation Lab (MIL)
Le deuxième enjeu concerne beaucoup plus le capital humain lui-même. “Ce qui est intéressant au bout du bout, selon Aristide Wolfrom, c’est la transformation de la personne”. Mais cette transformation ne se fait pas sans heurts ni sans remise en question qui peuvent donner l’impression de faire reculer l’organisation plus que de la faire avancer. “On a tendance à confondre innovation et intrapreneuriat”, ajoute-t-il pour mieux souligner combien le chemin est ardu et peut laisser une impression de progrès à géométrie variable.
Entre créativité et échec
Un sentiment partagé par Marc Evangelista, responsable du Michelin Innovation Lab (MIL), qui pousse les initiatives d’intrapreneuriat au sein du géant mondial du pneumatique. Il le dit tout de go : l’intrapreneuriat, “on le fait pour gérer l’échec”. Ajoutant, pour préciser, que s’il n’y a pas d’échec, c’est qu’on n’a pas “poussé le processus d’innovation assez loin”.
Et ne pas intégrer cette donnée-là dès le départ dans le processus d’intrapreneuriat, c’est donner lieu à beaucoup de frustration. Bref, apporter l’inverse du but recherché au départ. Autant les gestionnaires que les salariés doivent, selon lui, constamment garder en tête cette question primordiale : “qu’est-ce que je suis prêt à perdre”.
“créer des leaders du changement”
– Mariella Gatiniol Paysal, responsable des formations à l’ESC Clermont
Le directeur du MIL apporte des chiffres pour illustrer son argumentaire : “le ratio, chez Michelin, c’est un business significatif pour 200 initiatives en maturation”.
Il faut donc apprendre à créer dans l’incertitude la plus complète. Mais à la différence d’un entrepreneur, qui investit tout, l’intrapreneur garde un filet de sécurité non négligeable : son salaire. Et conserver sa rémunération durant le développement de son projet d’entreprise est un confort à ne pas sous-estimer. C’est aussi la garantie, pour l’entreprise, de conserver la loyauté de ses salariés. “Les intrapreneurs sont des corsaires, pas des pirates”, précise en ce sens Marc Evangelista.
Une manière aussi d’écumer les idées un peu trop farfelues de certains employés. Un membre de Michelin ira même jusqu’à avouer dans l’un des ateliers : “le MIL est une machine à arrêter les conneries”.
Une certification
C’est justement avec Michelin que l’Ecole Supérieure de Commerce (ESC) de Clermont-Ferrand a créé en 2020 le certificat “Intrapreneuriat & Démarche Start-up”. Une formation certifiante qui en est déjà à sa 7ème promotion, et qui ne vise rien moins, selon la responsable des formations à l’ESC Clermont, Mariella Gatiniol Paysal, que “créer des leaders du changement”.
Elle a d’ailleurs profité de la rencontre organisée le 19 décembre dernier au Village By CA Grand Est pour annoncer la délocalisation à Lyon dès janvier du certificat dans les murs du Village, à Charbonnières-les-Bains.
Une occasion d’évangéliser les vertus de l’intrapreneuriat au plus proche des besoins des organisations du Grand Lyon.
Crédit photo : Agence RG+