[Série été | CinéTech’]: Quand l’évolution des technologies réinvente les métiers du cinéma

[Série été | CinéTech’]: Quand l’évolution des technologies réinvente les métiers du cinéma

Aujourd’hui, la technologie est devenue indispensable dans le paysage cinématographique. Elle permet de plonger le spectateur dans des mondes imaginaires, de créer des paysages, de donner vie à des personnages, ou tout simplement de mettre en scène ce qui ne peut être filmé par une simple caméra. Bien que ces effets soient désormais réalisés numériquement, cela n’a pas toujours été le cas. Cette technologie est le fruit d’une révolution progressive, s’étendant sur plusieurs années, qui a transformé de nombreux métiers dans le monde du cinéma.

L’évolution de la technologie au cinéma a permis des avancées considérables en termes de progrès techniques et de réalisme, mais elle  n’a pas été sans conséquences sur différents secteurs professionnels. Le développement du son ou encore du numérique a créé de nouveaux métiers et modifié les compétences de nombreuses professions existantes.

Le développement du son, une première rupture radicale

Si le cinéma parlant ne s’est généralisé qu’à partir des années 1930, il n’a jamais été véritablement muet plusieurs métiers existaient déjà pour rendre les films plus compréhensibles. « Il y avait le bonimenteur, chargé de faire les sous-titres, mais aussi les bruiteurs et les orchestres présents dans la salle », précise Caroline San Martin, maîtresse de conférences écritures et pratiques cinématographiques à l’Université Paris Panthéon-Sorbonne.

Ces derniers permettaient non seulement aux spectateurs de mieux suivre l’intrigue, mais aussi de jouer la bande sonore et de masquer le bruit de la manivelle du projecteur. En 1926, les choses évoluent lorsque les frères Warner exploitent le procédé du Vitaphone pour synchroniser la musique et les bruitages avec le film Don Juan.

« Il y avait le bonimenteur, chargé de faire les sous-titres, mais aussi les bruiteurs et les orchestres présents dans la salle »

– Caroline San Martin, maîtresse de conférences écritures et pratiques cinématographiques à l’Université Paris Panthéon-Sorbonne

À partir de là, le développement des systèmes de diffusion sonore et des métiers associés s’accélère. « Pendant longtemps, on a sophistiqué les moyens de captation du son, au point d’entendre tous les détails,  comme dans le film Chantons sous la pluie. Par la suite, l’attention s’est plus portée sur les systèmes de diffusion du son, avec l’arrivée de la Dolby,  le métier de sound designer a vu le jour », ajoute Caroline San Martin.

L’objectif du cinéma n’est alors  plus de capter tous les sons, mais de miser sur la qualité sonore. « Le sound designer s’occupe de l’harmonisation du son, il travaille pour spatialiser le son dans la salle. Cette évolution a entraîné la création de nouveaux métiers, les équipes sont beaucoup plus nombreuses », explique Caroline San Martin.

Le passage au numérique,  un gain de temps pour les monteurs

À la fin des années 1990, le numérique commence peu à peu à s’imposer, des films phares tel que Jurassic Park marquent l’univers cinématographique. Les personnages sont désormais filmés sur  fond vert, avec des décors créés par ordinateur.  Certaines professions, comme celle des monteurs, voient alors leurs compétences évoluer.

« Avant les années 1960, il était important de créer une illusion de continuité, le monteur devait masquer les coupes entre les plans. Aujourd’hui, nous sommes habitués à l’idée que cette illusion soit perturbée, et les faux raccords sont beaucoup plus tolérés » 

– Caroline San Martin, maîtresse de conférences écritures et pratiques cinématographiques à l’Université Paris Panthéon-Sorbonne.

« Les laboratoires de développement de pellicule ont disparu, mais les monteurs n’ont pas pour autant été mis au chômage avec l’arrivée du numérique. Le logiciel de montage dans l’ordinateur est organisé autour d’un chutier, tout comme les monteurs le faisaient manuellement, et même le vocabulaire est resté le même », précise Caroline San Martin, maîtresse de conférences écritures et pratiques cinématographiques à l’Université Paris Panthéon-Sorbonne. 

Le numérique a  facilité le rôle des monteurs, qui peuvent désormais commencer le montage simultanément au tournage, réduisant ainsi le délai de post-production. L’illusion de l’image a également évolué dans leur travail. « Avant les années 1960, il était important de créer une illusion de continuité, le monteur devait masquer les coupes entre les plans. Aujourd’hui, nous sommes habitués à l’idée que cette illusion soit perturbée, et les faux raccords sont beaucoup plus tolérés », ajoute Caroline San Martin.

La 3D et la disparition du métier de projectionniste

Le métier de projectionniste a aussi vu ses compétences se transformer radicalement. Avec le passage au numérique, la projection ne requiert plus autant de temps qu’auparavant, et cette profession, longtemps jugée indispensable,  a fini par disparaître peu à peu. « Le projectionniste était titulaire d’un CAP, il disposait de compétences techniques pour récupérer toutes les bobines et les synchroniser, il y avait vraiment un côté mécano », explique Arnaud Clappier, directeur du cinéma Utopia Borderouge.

Toutefois, c’est le film Avatar et la 3D  qui a réellement marqué un tournant pour les métiers de l’exploitation cinématographique : « Avatar c’est le cheval de Troie technologique qui a imposé la transition rapide de tous les cinémas vers le numérique. Officiellement le métier de projectionniste n’existe plus », précise Arnaud Clappier. Désormais, l’exploitant de la salle reçoit un DCP (Digital Cinema Package), l’équivalent numérique de la copie de projection argentique, sous forme de disque dur.  « Aujourd’hui, nous avons des employés polyvalents de cinéma, des playlists sont préparées, tout est virtuel. Les employés peuvent seulement changer la lampe, le  filtre, mais en cas de problème, ce n’est plus nous qui décidons », explique le directeur de cinéma.

« Avatar c’est le cheval de Troie technologique qui a imposé la transition rapide de tous les cinémas vers le numérique. Officiellement le métier de projectionniste n’existe plus »

– Arnaud Clappier, directeur du cinéma Utopia Borderouge

Si les révolutions technologiques sont perçues comme positives par de nombreux spectateurs, elles ont eu des impacts plus contrastés sur les métiers du cinéma.  D’un côté, elles ont apporté des améliorations significatives, comme une meilleure qualité d’image et un gain de temps dans la production, mais de l’autre, elles ont aussi entraîné la perte de savoir-faire traditionnel et une réduction du rôle des professionnels historiques du cinéma.

Pour aller plus loin:

[Série été | CinéTech’]: Quand l’évolution des caméras transforme la production cinématographique

Crédit Image à la Une : pixabay

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