Parier sur les neurosciences et l’innovation technologique pour améliorer la sécurité sur les chantiers ? C’est tout le génie du groupe FIRALP et de l’accélérateur Polypus. Il y a 9 mois, l’un des leaders français de la construction et de la maintenance de réseaux faisait appel au spécialiste de l’innovation lyonnais pour aller chercher des start-up capables de bouleverser la formation dans le BTP. Le 2 octobre dernier, les jeunes pousses sélectionnées sont venues présenter les solutions nées du programme « Open Innovation » au centre de formation du groupe FIRALP La Fabrik. CScience les a rencontrées.
Repenser l’apprentissage par les sciences cognitives
Utiliser que 10 % de notre cerveau, avoir une mémoire plus visuelle qu’auditive, être plutôt cerveau droit que gauche… Autant de croyances populaires ou « neuromythes » que Sarah Perez et Marion Bertholet déconstruisent en début d’atelier. Les deux ingénieures spécialisées en neurosciences sont venues présenter Cognidia, une start-up créée en 2023 qui entend appliquer les sciences cognitives au monde professionnel.
La jeune pousse, qui a déjà travaillé pour Groupama, EM Lyon Business School et la communauté de communes Saône-Beaujolais, fait partie des trois projets retenus dans le cadre du programme de FIRALP pour réinventer la formation professionnelle au sein du groupe, et plus largement pour toute la filière BTP (bâtiment et travaux publics).
Lors de cette matinée de l’innovation, les deux entrepreneuses révèlent la technique de mémorisation utilisée pour l’un des projets phares de ce programme, co-construit avec deux autres start-up du programme : le palais mental, aussi connu comme la méthode des loci (« lieux » en latin). Le palais mental est une technique ancestrale qui consiste à visualiser un lieu connu pour venir y placer les éléments que l’on souhaite retenir étape par étape. « Cela peut-être votre maison, votre ville, votre trajet pour aller au travail… Pourvu que vous le connaissiez par cœur et que vous parcouriez toujours les étapes dans l’ordre » explique Sarah Perez.
Prenons l’exemple d’une liste de course, composée des éléments suivants : pommes, lait, œufs. Mentalement, je vais placer les pommes par terre à l’entrée de mon appartement, le lait sur le canapé, et les œufs dans la baignoire. « Arrivée au supermarché, je parcourrai mon palais mental et me rendrai compte qu’il y a des pommes par terre dans mon entrée : ça n’arrive jamais ! » souligne l’ingénieure.
Un bon moyen de se rappeler de passer au rayon fruits et légumes avant d’aller à la caisse. Applicable à toute situation, et utilisée lors des compétitions de mémoire, c’est précisément cette méthode qu’ont utilisée les deux expertes en sciences cognitives pour co-construire Meh Menta.
Parler sécurité sur les chantiers dans un environnement immersif
Meh Menta se présente comme une réplique virtuelle de La Fabrik. Un petit personnage assimilé à un « Sims » suit un parcours d’apprentissage au milieu des chantiers peuplés d’objets interactifs et des autres avatars du personnel de l’entreprise.
L’apprenant peut d’ailleurs contacter ces derniers dans le jeu : la personne sera notifiée par SMS et pourra rejoindre immédiatement le joueur sur la plateforme ou lui demander d’écrire un e-mail.
C’est Marion Macziola Faddeev, co-fondatrice et PDG de Kolivi, qui présente la plateforme lors de cette matinée de l’innovation. Si Cognidia a apporté son expertise sur le choix de la méthode d’apprentissage du projet, Kolivi a travaillé sur l’environnement immersif de la plateforme.
Kolivi est une start-up fondée en 2019 qui commercialise une suite d’outils technologiques permettant de créer et de partager du contenu de manière participative, le tout de manière ludique et immersive grâce à de la visio conférence 3D. « L’idée, c’est de susciter les émotions pour ancrer l’apprentissage, en se basant sur les neurosciences. » avance Marion Macziola Faddeev.
« L’idée, c’est de susciter les émotions pour ancrer l’apprentissage, en se basant sur les neurosciences. »
— Marion Macziola Faddeev, co-fondatrice et PDG de Kolivi
Interrogée sur l’accessibilité de cette plateforme aux personnes peu à l’aise avec les outils technologiques, Marion Macziola Faddeev est catégorique : « Nous avons fait les choix les plus simples possibles, avec un graphisme et des fonctionnalités très basiques ». La plateforme peut-être personnalisée en fonction des accidents survenus récemment, de la spécialité de la personne apprenante (électricien, terrassier, etc.), et du progrès de cette dernière. « L’objectif n’est pas d’ajouter un outil supplémentaire, mais de compléter la formation existante », précise la co-fondatrice de Kolivi.
Retenir plus longtemps par le jeu
Quant au côté ludique de la plateforme Meh Menta, c’est la start-up Black Bungalow qui a apporté son expertise. Elle a été fondée il y a six ans par Nicolas Simon, venu présenter lors de cette matinée de l’innovation toutes ses solutions de formation ludique.
Ce spécialiste de l’escape game s’est rendu compte que lorsqu’une information est transmise par le jeu, 80 % des participants retiennent 100 % de l’information en question. Depuis, il développe des jeux adaptés à tous types de projets. Il y a le kit d’escape game grandeur nature conçu pour la journée d’intégration des étudiants en école de commerce, l’espace de jeu dématérialisé imaginé pour Auchan impliquant de retrouver des petits lutins qui ont volé les cadeaux de Noël, mai aussi un projet de jeu narratif utilisant l’IA, inspiré du film « Her »…
« On va créer de la cohésion et de l’immersion dans un scénario personnalisable pour passer un message autrement, le tout de façon multi-techniques : intelligence artificielle, réalité virtuelle… »
— Nicolas Simon, fondateur de Black Bungalow
« Les sciences cognitives émergent dans les années 1960, en même temps que l’IA. Depuis, elles se nourrissent l’une de l’autre », soulignait Sarah Perez, la co-fondatrice de Cognidia. Nicolas Simon l’a bien compris. « On va créer de la cohésion et de l’immersion dans un scénario personnalisable pour passer un message autrement, le tout de façon multi-techniques : intelligence artificielle, réalité virtuelle… » affirme-t-il.
La plateforme d’apprentissage en 3D imaginée pour FIRALP en est un parfait exemple, avec un scénario qui semble inspiré de Koh Lanta. « On est encore au stade de projet, mais on essaie de craquer les choses. C’est plutôt prometteur, et tout ça c’est grâce au programme de FIRALP et Polypus », se réjouit l’entrepreneur à propos de Meh Menta. D’ici quelques semaines, le projet s’envolera pour Lisbonne afin d’être présenté au rendez-vous incontournable de la tech en Europe, le salon Web Summit.
« Les sciences cognitives émergent dans les années 1960, en même temps que l’IA. Depuis, elles se nourrissent l’une de l’autre »
— Sarah Perez, co-fondatrice de Cognidia
Pour aller plus loin :
Un jeu immersif pour promouvoir la science et les métiers technologiques auprès des jeunes
Crédit Image à la Une :