Materi’Act veut mettre l’IA au service des matériaux durables pour l’industrie automobile

Materi’Act veut mettre l’IA au service des matériaux durables pour l’industrie automobile

Jeudi 11 juillet, la nouvelle filiale de l’équipementier automobile Forvia Materi’Act a réuni une vingtaine de personnes pour une visite exclusive de son centre de R&D et son incubateur de start-up. Implanté au cœur du quartier universitaire de La Doua à Villeurbanne, l’organisme se démarque pour son utilisation de l’intelligence artificielle au service des matériaux recyclés et par son approche collective au service de toute une filière. 

Si vous ne connaissez pas Forvia, sachez qu’une voiture sur deux dans le monde est équipée d’au moins une pièce de la marque. Depuis le lancement de sa dernière marque Materi’Act en 2022, le septième leader technologique mondial de l’industrie automobile est devenu le premier groupe du secteur dont l’objectif zéro émission nette a été validé par l’initiative collective mondiale pour le climat Science Based Target initiatives (SBTi).

C’est donc naturellement que la Chambre de Commerce Euro-Américaine (EACC) d’Auvergne-Rhône-Alpes a choisi le siège social de Materi’Act pour sa « Task Force Transformation numérique » dédiée à l’intelligence artificielle et aux matériaux durables.

Un bâtiment éco-conçu et des espaces pensés pour faire circuler l’innovation durable

« Le sol en fèves de cacao, les chaises issues de machines à laver recyclées, les tables en pots de yaourt ou en coquilles d’huîtres… Ici, tous les matériaux sont “inno-recyclés” » commente Jennifer Malrain. Elle est responsable administrative à Materi’Act depuis bientôt deux ans et c’est elle qui nous fait cheminer entre les différents étages de ce bâtiment éco-conçu, en accord avec sa raison d’être, et imaginé pour faire circuler les idées neuves dans le domaine du plastique recyclé.

« Le sol en fèves de cacao, les chaises issues de machines à laver recyclées, les tables en pots de yaourt ou en coquilles d’huîtres… Ici, tous les matériaux sont “inno-recyclés” »

— Jennifer Malrain, responsable administrative à Materi’Act

Materi’Act a proposé une visite exclusive de ses locaux jeudi 11 juillet. Crédit photo : Laurie Bruno

Après les espaces communs au dernier étage, les équipes de Materi’Act sont logées au quatrième, dans des bureaux éclairés par des bouées d’amarrage du port de Marseille recyclées en luminaires. C’est le troisième étage qui nous intéresse. Aujourd’hui presque vide, il proposera d’ici peu pas moins de 32 places assises pour des start-ups spécialisées dans le recyclage plastique. Les matériaux sont d’ailleurs en cours de fabrication par la start-up lyonnaise Unis-vers360. Les deux premiers étages sont dédiés à deux entreprises externes qui travaillent aussi sur le matériau durable, respectivement dans l’architecture et le photovoltaïque.

La raison d’être de Materi’Act est claire. « Puisqu’on a des problématiques communes, on veut créer une communauté pour avoir une réflexion globale sur ces enjeux, que ce soit dans nos bureaux ou à la pause-café », explique le responsable de l’incubateur Daiyan Goullamhoussen. Le lieu incarne en ce sens un véritable écosystème tourné vers la décarbonation de l’industrie, de la recherche à la vente finale.

« Puisqu’on a des problématiques communes, on veut créer une communauté pour avoir une réflexion globale sur ces enjeux, que ce soit dans nos bureaux ou à la pause-café »

— Daiyan Goullamhoussen, responsable de l’incubateur de Materi’Act

« On a créé cette filiale de Forvia qui a vocation à fournir à Forvia, mais aussi aux concurrents et aux industries du plastique durable. » abonde le directeur de Materi’Act Rémi Daudin. Il projette qu’à horizon 2030, la filiale fera un milliard d’euros de chiffres d’affaires. « Une fois que le modèle est validé, l’idée c’est de développer des usines partout dans le monde, et c’est déjà ce qu’on est en train de faire » ajoute-t-il. Des projections révélatrices des ambitions de l’entreprise pour toute une filière et au-delà.

Un centre de R&D à la hauteur des ambitions de Materi’Act

Le laboratoire de Materi’Act compte actuellement 6 techniciennes. Crédit photo : Materi’Act

« On cherche de la proximité, avec notre propre laboratoire à seulement quelques étages de nos bureaux », glisse Daiyan Goullamhoussen. Au rez-de-chaussée, un grand laboratoire de 500 mètres carrés fabrique les matériaux en plastique recyclés. « On vend un pourcentage minimum de recyclé [entre 20 % et 80 %]. Si la future Kangoo ou R5 de Renault a une pièce intérieure recyclée à 20 % à partir d’un pare-chocs avant, c’est un bon début. Derrière, c’est à nous d’être compétitifs et d’assurer une certaine performance pour être cohérents » explique le responsable de l’incubateur.

Alors c’est ici que tout se joue. Les matériaux sont testés sur leur fluidité, la tenue de leurs couleurs, leur résistance aux rayures et aux températures extrêmes. « C’est une matière qui sera transformée en pare-chocs. Elle doit donc résister à une température de moins dix degrés ! », souligne Cécile Vallon, ingénieure en laboratoire. Idem pour les couvercles de batteries de voiture. Elle nous montre une machine qui teste la résistance aux flammes : « Grâce à cette technologie, on peut savoir si c’est une question de secondes ou une question de minutes avant que la batterie n’explose » souligne Daiyan Goullamhoussen. Le petit comité en visite semble d’accord avec lui.

« On vend un pourcentage minimum de recyclé [entre 20 % et 80 %]. Si la future Kangoo ou R5 de Renault a une pièce intérieure recyclée à 20 % à partir d’un pare-chocs avant, c’est un bon début. Derrière, c’est à nous d’être compétitifs et d’assurer une certaine performance pour être cohérents »

— Daiyan Goullamhoussen, responsable de l’incubateur de Materi’Act

Un second lieu dédié à la R&D complète ce laboratoire. Situé à deux kilomètres, il permet de tester à grande échelle en atelier les prototypes finaux.

L’IA pour créer des produits plus respectueux de l’environnement 

Le directeur de Materi’Act a présenté les objectifs de Forvia pour diminuer ses émissions de CO2 sur les vingt prochaines années. Crédit photo : Laurie Bruno

Après la visite pratique des locaux, le président de Materi’Act apporte un peu de théorie sur les usages de l’IA. Il explique que Materi’Act utilise l’intelligence artificielle pour une « formulation adaptative » de matériaux durables, selon le lieu d’implantation des usines à travers le monde : « L’IA permet de prédire la bonne recette, la bonne formulation, pour un grade donné ». L’intelligence artificielle est aussi utilisée pour sa capacité en temps réel à varier les paramètres, afin d’obtenir une propriété finale quasi parfaitement compatible avec les attentes des clients.

« L’industrie automobile attend des matières avec une marge d’erreur très fiable. Il faut savoir ajuster ces paramètres très finement, c’est pourquoi la puissance de calcul de l’IA est idéale », souligne Rémi Daudin, rappelant qu’un test est fait toutes les 5 minutes en moyenne dans ce domaine. En d’autres termes, l’IA permet d’éviter des dizaines de tests en laboratoire en proposant la formulation la plus adaptée à un matériau précis et aux attentes des clients.

Mais de quels matériaux parle-t-on exactement ? Les matières sont reçues au laboratoire de Materi’Act sous forme de copeaux. Elles sont raffinées puis « formulées » avec des additifs pour arriver à une propriété finale attendue. Ces matières permettent de produire deux lignes de produits : du plastique à base de molécules biologiques et recyclées, et des matériaux pour surfaces.

« L’IA permet de prédire la bonne recette, la bonne formulation, pour un grade donné […] L’industrie automobile attend des matières avec une marge d’erreur très fiable. Il faut savoir ajuster ces paramètres très finement, c’est pourquoi la puissance de calcul de l’IA est idéale »

— Rémi Daudin, directeur de Materi’Act

Quant à la sécurité des données, le directeur de l’établissement affirme qu’ils se différencient en tant que propriétaires des algorithmes, installés sur leurs serveurs internes. Pour la création de la base de données originelle, il souligne l’immense travail réalisé par ses équipes : « On avait besoin d’une quantité de données titanesque pour faire des tests aussi pointus, alors on est remontés jusqu’à dix ans en arrière. Après une classification et un nettoyage des données périmées, notre moteur était né. »

Materi’Act propose deux lignes de produits : des matériaux plastiques à base de molécules bio et recyclées et des matériaux pour les surfaces. Crédit photo : Laurie Bruno

Rémi Daudin évoque à plusieurs reprises la norme européenne qui imposera d’ici 2030 à l’ensemble des constructeurs automobiles un taux minimal de 25 % de matières recyclées plastiques [dans ces 25 %, un quart devra provenir de matières plastiques automobile]. Une échéance qui fait augmenter la demande en plastique recyclé de manière exponentielle.

« Comment assurer la chaîne d’approvisionnement ? » lui demande-t-on dans l’audience. À cela, le directeur répond avoir mis en place des partenariats sous forme de « joint venture » (co-entreprise) avec des fournisseurs de déchets locaux.

« L’automobile est une industrie exigeante. Avec une voiture produite toutes les minutes, pour une valeur de 30 000 euros, le péché mortel c’est de ne pas livrer au client » reconnaît-il. La solution de la surabondance semble donc la plus fiable, d’autant que les matériaux en surplus sont écoulés dans d’autres d’industries telles que le packaging par exemple.

« L’automobile est une industrie exigeante. Avec une voiture produite toutes les minutes, pour une valeur de 30 000 euros, le péché mortel c’est de ne pas livrer au client »

— Rémi Daudin, directeur de Materi’Act

Interrogé enfin sur le choix de la Métropole de Lyon pour l’implantation de Materi’Act, le directeur insiste sur les nombreux avantages de la région : « Pour l’équilibre “vie pro et perso”, pour la valeur ajoutée de la vallée du plastique à Oyonnax, pour la densité de l’écosystème universitaire et de l’innovation… Ce n’est pas un hasard que notre choix se soit porté sur Lyon ». Il ajoute d’ailleurs disposer de partenariats avec l’INSA de Lyon et le Campus LyonTech-la Doua situé à quelques centaines de mètres de Materi’Act.

Au-delà d’une simple technologie émergente, l’intelligence artificielle pourrait donc représenter une opportunité majeure pour l’écologie et le développement durable, dans l’industrie automobile et ailleurs. Une vision brillamment portée par Materi’Act.

Pour aller plus loin :

Passage de Christophe Bournay, membre du conseil d’administration de Materi’Act, dans l’émission Les Rayonnants le 29 mai 2024 :

Crédit Image à la Une : Laurie Bruno