Marché des puces d’IA : la saga Nvidia et l'indomptable Chine

Nvidia, leader incontesté de l’intelligence artificielle et de la révolution technologique, traverse une période tumultueuse, marquée par les enquêtes menées à son sujet, aux États-Unis comme en France, et les retards de lancement de ses nouveaux produits. Mais l’entreprise conserve de solides atouts pour naviguer à travers cette crise et maintenir sa position dans le marché des puces électroniques d’IA.

La demande élevée pour ses processeurs graphiques (GPU) a propulsé Nvidia au rang des entreprises les plus florissantes du monde, faisant d’elle le fournisseur principal d’équipements spécialisés pour les tâches liées à l’IA. Atteignant une valorisation de 3 000 milliards de dollars au début de cette année, Nvidia a vu la valeur de son action – qui a plus que doublé en 2024 après avoir plus que triplé en 2023 – continuer de monter. Elle vient pourtant de connaître une chute de 3 % en cinq jours, que les experts attribuent aux risques géopolitiques, sinon à de récentes difficultés qui n’épargnent pas le reste du secteur technologique.

Nvidia sous enquêtes et en retard de production

Le CEO de Nvidia, Jensen Huang, présentant la superpuce GB200 Grace Blackwell. (Crédit : courtoisie)

Le ministère américain de la Justice a récemment ouvert une enquête sur les pratiques commerciales de l’entreprise, suspectée de comportements anticoncurrentiels. Rappelons qu’en France, l’Autorité de la concurrence enquête sur NVIDIA pour les mêmes raisons, ses services ayant mené en septembre une « opération de visite et (une) saisie inopinée » dans les locaux parisiens du géant américain.

L’investigation américaine vise à déterminer si Nvidia a exercé des pressions sur les fournisseurs de solutions d’informatique dématérialisée (cloud computing) pour les inciter à acheter plusieurs de ses produits. Il est aussi allégué que Nvidia facture des prix plus élevés pour le matériel de réseau lorsque les clients souhaitent acheter des puces d’IA issues de compétiteurs comme Advanced Micro Devices (AMD) et Intel. L’enquête pourrait avoir des répercussions sur la position dominante de Nvidia dans le secteur des puces d’IA.

« La capitalisation boursière de Nvidia est d’environ 2,5 trillions de dollars. Si elle tombe à près de 2 trillions, je suis prêt à investir davantage dans ses actions. »

– Mark Tepper, CEO de l’entreprise de gestion de placements Strategic Wealth Partners

Parallèlement, Nvidia a annoncé le report du lancement de ses nouvelles puces d’IA en raison d’un vice de conception. Ce contretemps technique pourrait affaiblir la compétitivité de l’entreprise face à ses rivaux, qui ne manqueront pas de saisir cette opportunité pour renforcer leur présence sur le marché, en contexte de grande rivalité commerciale.

On évoque que le défaut de conception est à l’origine de retards annoncés de trois mois ou plus pour les puces Blackwell du fournisseur, qui auront des retombées négatives pour plusieurs clients, comme Meta Platforms, Alphabet’s Google et Microsoft.

Malgré ces défis, les analystes restent optimistes quant à la demande pour les puces d’IA de Nvidia. Les produits de l’entreprise continuent d’être très prisés pour les applications d’intelligence artificielle, et cette demande soutenue pourrait atténuer les impacts négatifs des enquêtes et des retards. Les experts estiment que Nvidia saura surmonter ces obstacles grâce à son innovation constante et à la qualité de ses produits.

« Il est clair que les niveaux de demande continuent d’augmenter, tous les grands hyperscalers (fournisseurs de solutions d’informatique en nuage) continuant à accroître leurs perspectives d’investissement », note Stacy Rasgon, analyste chez Bernstein.

Mark Tepper, expert et CEO de l’entreprise de gestion de placements Strategic Wealth Partners, n’en démord pas : « La capitalisation boursière de Nvidia est d’environ 2,5 trillions de dollars. Si elle tombe à près de 2 trillions, je suis prêt à investir davantage dans ses actions. Malgré certaines estimations de bénéfices exagérées, je crois au potentiel à long terme de Nvidia. Cela reste une excellente action. »

Investors are nervous, considering cashing out their gains from the Magnificent 7 stocks. My advice? Be opportunistic and patient. Stay smart and prudent in this volatile market.#Investing #StockMarket #Nvidia #MarketTrends #Volatility pic.twitter.com/7oDBEKq9V8

— Mark Tepper (@MarkTepperSWP) August 6, 2024

Les ambitions inaltérables de la Chine

Pendant ce temps, la Chine continue de s’approvisionner en puces, malgré les restrictions américaines en matière d’exportation de matériel pour l’intelligence artificielle.

La Chine a annoncé en mai 2024 un plan d’investissement de 344 milliards de yuans pour soutenir son industrie des semis-conducteurs

La Chine intensifie ses efforts pour renforcer son industrie des semi-conducteurs, ayant annoncé en mai un plan d’investissement de 344 milliards de yuans (61,92 milliards de dollars canadiens ou 44,72 milliards d’euros). Les États-Unis, qui souhaitent s’assurer que la transition à venir vers l’architecture GAA ne sera pas exploitée par les entreprises chinoises, ont déjà interdit la vente de logiciels de conception pour les puces GAA.

En octobre 2022, les États-Unis ont imposé des restrictions pour limiter l’exportation vers la Chine des puces les plus sophistiquées, comme les cartes graphiques de Nvidia dédiées à l’IA. Depuis, les acheteurs chinois cherchent des moyens de contourner ces mesures pour continuer de s’en procurer. L’agence de presse Reuters a rapporté en janvier dernier que des entreprises, des universités et des entités gouvernementales chinoises avaient réussi à obtenir des puces Nvidia A100, A800, H800 et H100, en petites quantités. Plus récemment, une enquête du New York Times publiée cette semaine révèle l’existence d’un vaste réseau chinois s’y consacrant.

Le gouvernement américain travaille sur de nouvelles restrictions d’exportation visant l’industrie chinoise des semi-conducteurs, qui cibleront les technologies les plus susceptibles de servir les intérêts militaires chinois : les puces mémoires à large bande passante (HBM), requises pour le développement des grands modèles d’IA générative, et la nouvelle architecture de transistors GAA.