L’IA transforme la prévention des risques psychosociaux en entreprise

L’IA transforme la prévention des risques psychosociaux en entreprise

Santé mentale, absentéisme ou encore turn-over, aujourd’hui les risques psychosociaux (RPS) impactent non seulement le bien-être des employés, mais aussi la performance de l’entreprise. Pourtant, il est souvent difficile de détecter les signaux avant-coureurs. Dans ce contexte, l’IA peut apporter une véritable aide pour identifier ces risques à grande échelle et intervenir plus rapidement. 

Depuis la crise Covid, la question de la santé mentale des travailleurs semble occuper une place prépondérante dans les entreprises, et à juste titre. Selon le dernier baromètre d’Opinion Way, près d’un salarié sur deux se dit en  détresse psychologique, soit 48% plus précisément. Entre situation de stress, d’harcèlement et de démotivation, les causes peuvent être multiples.

Pour analyser ces situations de mal-être, les feedbacks et entretiens annuels sont essentiels. Cependant, difficile pour les équipes RH de prendre en compte tous ces éléments lorsqu’elles doivent gérer plusieurs milliers d’entretiens par an. L’IA apparaît ainsi comme une solution pouvant alléger cette charge en identifiant rapidement les signaux faibles de mal-être. 

Un modèle basé sur le LLM 

En fonction des éléments fournis par le collaborateur, l’IA peut interpréter des RPS. Crédit photo: Elevo

Pour analyser les éléments de détresse pouvant être évoqués en entretien, une analyse fine de langage est utilisée grâce à un modèle fonctionnant sur les LLM (large language model). « L’IA basée sur un LLM va lire et analyser les échanges entre un collaborateur et un manager. Elle va aussi détecter de la démotivation », explique Thibault Vilon, CEO d’Elevo. 

Mais pour évaluer cette démotivation, l’IA ne se base pas sur des mots-clés mais plutôt sur le contexte de ce qui est dit via des algorithmes d’apprentissage automatique. « La démotivation n’est pas explicite, elle va donc d’abord voir les idées pour ensuite interpréter », Thibault Vilon, CEO d’Elevo.

« La démotivation n’est pas explicite, elle va donc d’abord voir les idées pour ensuite interpréter »

– Thibault Vilon, CEO d’Elevo

L’avantage de ce modèle ne se résume pas à son interprétation, il permet également de faire des résumés plus rapidement d’un entretien. « L’IA ne fait pas que lire, elle peut aussi faire des résumés succincts d’entretien et voir en un clin d’œil l’optique du collaborateur », ajoute Thibault Vilon. Pour détecter les phrases problématiques et identifier des comportements à risques, le modèle se base sur certaines données.

De l’entraînement pour identifier les comportements à risque

L’objectif de l’utilisation de l’IA  est de soutenir aussi bien les RH que les salariés en difficulté, en renforçant la prévention. « Un manager n’est pas forcément formé à identifier ces risques, et on ne peut pas garder un niveau d’attention assez élevé pour tous les détecter. L’IA est plus fiable qu’un humain à qui on demande de lire 1 000 entretiens », souligne Thibault Vilon, CEO d’Elevo.

Mais l’IA à l’instar de l’humain doit aussi être formée pour être la plus efficace possible. Elle repose sur une base d’entraînement précise. « On a d’abord testé différents modèles pour voir si elle était capable de détecter les bons risques et les bonnes phrases pour éviter les faux positifs », explique Thibault Vilon, CEO d’Elevo.

« On a d’abord testé différents modèles pour voir si elle était capable de détecter les bons risques et les bonnes phrases pour éviter les faux positifs »

– Thibault Vilon, CEO d’Elevo

Pour garantir la sécurité des données, celles des clients ne sont pas utilisées dans le cadre de cet entraînement. « Il nous a fallu faire des références pour les tester », souligne Thibault Vilon. 

Une efficacité à encadrer 

L’utilisation de l’IA offre un gain de temps et d’efficacité aux équipes RH. « 2 à 5% des entretiens ont fait remonter des RPS », précise Thibault Vilon. Cela permet également de mettre en place des actions plus rapidement pour aider psychologiquement les salariés présentant des risques.

Cependant, le CEO de la plateforme reste objectif sur les limites de son utilisation: « L’outil a été mis en place cet été, il est puissant et il faut en maîtriser les contours  pour ne pas tomber dans la gadgétisation ». 

Un avis partagé par Margaux Bergamelli, psychologue du travail: « L’IA peut être intéressante pour lutter contre le déni d’un collaborateur, mais ça ne sera pratiquement jamais possible de ne pas revérifier, il y aura toujours un binôme IA et humain ».

« L’IA peut être intéressante pour lutter contre le déni d’un collaborateur, mais ça ne sera pratiquement jamais possible de ne pas revérifier, il y aura toujours un binôme IA et humain »

– Margaux Bergamelli, psychologue du travail

Son utilisation peut permettre la reconnaissance de troubles pouvant passer inaperçus par le manager lors des échanges, mais l’IA reste un outil. « L’IA peut améliorer ce qui se passe dans la relation, mais elle ne va pas pallier, sinon on arrive à un biais cognitif appelé l’effet Google ». 

La psychologue reste formelle, l’humain doit continuer à avoir un rôle à jouer car l’IA ne peut pas tout percevoir. « Quand une personne présente des signes de RPS, il peut avoir des résonances physiques de son corps, comme le rythme de l’échange. Les gens stressés ont une agitation violente interne et externe », conclut Margaux Bergamelli. 

Pour aller plus loin:

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Crédit Image à la Une : pixabay