Ses spécialités culinaires, ses bouchons, ses grands chefs, jusqu’au titre de « capitale mondiale de la gastronomie » attribué par le critique culinaire Curnonsky en 1925…. La réputation de Lyon en matière de gastronomie n’est plus à faire. Cent ans après cette reconnaissance, la cuisine lyonnaise et tout ce qui l’entoure a su se réinventer tout en conservant son authenticité. De la culture des légumes à la vaisselle collective, en passant par la formation des futurs Bocuse et la restauration de bureau, l’innovation lyonnaise révolutionne nos assiettes. À commencer par un container de culture.
Pour cette série estivale, nous partons à la découverte des solutions technologiques qui font de la capitale des Gaules une ville pionnière dans l’innovation culinaire. J’ai rencontré cette semaine Philippe Audubert, l’une des personnes qui a importé en France le système de ferme verticale. Cet entrepreneur et enseignant passionné de technologie est aujourd’hui responsable du développement de l’entreprise lyonnaise VIF Systems qui propose de l’agriculture verticale… en container. Explications.
On parle d’armoires de cultures, de containers de production, de fermes verticales… Comment ça marche concrètement ?
C’est tout simplement de l’agriculture verticale. On superpose plusieurs niveaux de culture qu’on va faire pousser grâce à un éclairage artificiel reproduisant la lumière du soleil : des leds. D’ailleurs, le soleil lui-même est un gros led ! (rires).
On vient ensuite stabiliser tous les paramètres de culture qui changent dans notre environnement, notamment la température, l’hydrométrie, ou encore l’air, grâce à un logiciel de contrôle de production. L’objectif est d’obtenir le plus rapidement possible la taille de pousse souhaitée. Tout ceci se déroule dans un écosystème fermé, qui permet d’atteindre des rendements exceptionnels sans pesticides et avec un système de récupération d’eau issue de l’évapotranspiration des plantes. Grâce à ce circuit fermé, nos containers de culture nécessitent entre 100 et 150 fois moins d’eau qu’une serre.
Votre centre logistique est à Clermont-Ferrand, votre centre technique au Puy en Velay, et votre siège social à Lyon. Pourquoi avoir choisi ce territoire ?
Notre siège social est à Lyon avant tout parce que je suis Lyonnais ! Il faut savoir que j‘ai des connaissances horticoles et agronomiques solides, et je fais partie des personnes qui ont développé en France ce système du « vertical farming » [ferme ou agriculture verticale]. Alors j’ai choisi de rester à Lyon parce que c’est un terrain fertile pour innover. J’ai beaucoup travaillé avec l’INSA [Institut national des sciences appliquées], où j’ai enseigné pendant 10 ans, et avec l’Université Lyon 1, où je forme à « l’esprit d’innovation » depuis 30 ans. La technologie du container de culture est un véritable projet d’ingénieurs, donc il y avait de la matière grise à portée de main ici à Lyon.
« La technologie du container de culture est un véritable projet d’ingénieurs, donc il y avait de la matière grise à portée de main ici à Lyon. »
En quoi cette solution de ferme verticale est innovante ?
En réalité, l’hydroponie, qui consiste à faire pousser des plantes sans terre, existe depuis l’Antiquité. La technologie de la ferme verticale est une vision moderne de cette technique, qui s’est énormément développée à partir des années 2010. Là où on se démarque [à VIF Systems], c’est parce qu’on peut aussi utiliser des containers en fin de vie : un volume existant, un réceptacle issu du transport maritime. L’autre aspect innovant, c’est qu’on peut utiliser ces containers connectés n’importe où, car on a imaginé une solution clé en main où il suffit de se relier aux réseaux d’eau et d’énergie.
« L’autre aspect innovant, c’est qu’on peut utiliser ces containers connectés n’importe où, car on a imaginé une solution clé en main où il suffit de se relier aux réseaux d’eau et d’énergie »
Et si vous n’avez pas accès à ces réseaux, on propose des solutions avec un système de récupération d’eau de pluie, ou la mise en place de panneaux photovoltaïques : une technique avec quasiment zéro impact carbone, qui nous laisse une grande agilité. Si on n’est pas les premiers à le faire dans un container, on est la première société française à le faire à une échelle industrielle. Et je suis persuadé que les courants faibles d’aujourd’hui sont les courants forts de demain, alors j’essaie d’ouvrir les « chakras » aux nouvelles solutions technologiques, et le vertical farming en fait partie. Comme l’a d’ailleurs été le photovoltaïque à un moment donné, ou l’hydroponie, aujourd’hui devenue le standard de la culture en serre.
Comment la culture en container révolutionne notre assiette ?
De plein de manières ! L’intérêt pour le consommateur va être d’avoir un végétal produit en local par des exploitants agricoles proches de chez lui. On travaille d’ailleurs beaucoup avec des jeunes agriculteurs qui cherchent à développer un revenu complémentaire. C’est aussi une solution « toute saisons », qui s’affranchît des saisons climatiques, et qui permet de mettre dans nos assiettes un aliment à n’importe quel moment de l’année. Surtout, les produits sont très frais, car ils sont coupés au dernier moment et consommés peu de temps après, ou mieux encore, ils peuvent être vendus vivants.
Un produit extra-frais permet au consommateur final de bénéficier de tous les apports nutritifs de la plante, comme les sels minéraux, les vitamines, les antioxydants, les protéines, qui ont tendance à s’oxyder quand on la coupe. L’extra-frais, c’est aussi un gage de goût et de plaisir. Les consommateurs finaux peuvent également accéder à la traçabilité des aliments dans leur assiette, car notre logiciel donne accès à toutes les données sur le choix la graine, quand elle a été récoltée, par qui… Et pour aller encore plus loin, ces fermes verticales en containers permettent de cultiver des plantes très originales en goût et d’élargir la palette des saveurs pour égayer nos palais. D’ailleurs, on travaille avec des grands chefs : l’Auberge Paul Bocuse a été notre première cliente…
« Et pour aller encore plus loin, ces fermes verticales en containers permettent de cultiver des plantes très originales en goût et d’élargir la palette des saveurs pour égayer nos palais. »
Propos recueillis le 2 août 2024.
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