D’ici 2040, réduire de 90% les émissions de gaz à effet de serre, c’est le pari ambitieux lancé par l’Europe à ses États membres. Mais pour y parvenir, un long chemin reste encore à parcourir. À l’occasion du SIBCA 2024, des experts se sont penchés sur l’utilisation de la géoénergie pour réduire l’empreinte carbone des bâtiments, avec un projet expérimenté en AURA.
Chauffer nos maisons ou produire de l’électricité grâce à la chaleur qui se cache sous nos pieds, c’est ce que propose la géothermie. Cette énergie propre et renouvelable est de plus en plus utilisée dans des habitations, mais reste encore sous-exploitée, malgré ses nombreux atouts.
En effet, elle offre aujourd’hui bien plus qu’un simple chauffage. De manière générale, la géoénergie permet également de rafraîchir les bâtiments en été, de façon décarbonée et durable. C’est sur ces enjeux que se sont penchés des experts lors du Salon de l’Immobilier Bas Carbone à Paris, avec un projet novateur en région AURA.
Une utilisation simple
« On recherche le sous-sol des bâtiments qu’on utilise comme une batterie thermique. » C’est avec ces mots que Joséphine Charpentier, directrice commerciale chez Celsius Energy, décrit le fonctionnement de la géoénergie. Mais pour prélever l’énergie du sol et s’en servir à bon escient, des pompes doivent être installées.
« En hiver, on vient extraire la chaleur du sol et on la donne par l’intermédiaire d’une pompe à chaleur. En été, on l’extrait pour la réinjecter dans le sol », explique Joséphine Charpentier.
« On recherche le sous-sol des bâtiments qu’on utilise comme une batterie thermique »
– Joséphine Charpentier, directrice commerciale chez Celsius Energy
Un système donc composé de trois blocs: des échangeurs souterrains, un local technique ainsi que des pompes à chaleur. Pour faciliter la maintenance de ce dernier, une assistance digitale d’exploitation est mise au point. « Via des algorithmes et des capteurs, on étudie le système. Il faut regarder comment il se comporte et optimiser son fonctionnement. On se confronte aux données réelles du bâtiment et aux variations météorologiques pour adapter le pilotage », ajoute Joséphine Charpentier, directrice commerciale chez Celsius Energy.
Mais l’intérêt de la géoénergie réside principalement dans la réduction de la consommation énergétique du bâtiment. « Quand on quitte le gaz pour la géoénergie, on divise par quatre la consommation énergétique du bâtiment et par dix les émissions de carbone associées à ce-dernier », précise Joséphine Charpentier. Une source d’énergie majeure également disponible sur 90% du territoire national.
Un projet de géoénergie en rénovation
La géoénergie peut être utilisée pour différents types de bâtiments: immeubles, maisons, campus universitaires. En région AURA, un chantier est en train d’être terminé avec le siège de la Banque Populaire, un bâtiment de 8 000 mètres carrés situé à Grenoble. Une initiative audacieuse qui a fait face aux différentes contraintes de la géoénergie.
« On l’a expérimenté en travaux, les forages ne pouvaient pas être aussi profonds que prévu, il a fallu redimensionner les sondes », explique Léo Bergsma, chargé d’affaire chez Bouygues Bâtiment Sud Est. Le domaine du foncier est également une contrainte, dans le cadre du projet. « Il y avait peu de places de parking, on ne voulait pas en enlever pour mettre des sondes. Mais on s’est rendu compte qu’avec seulement deux places, on peut avoir l’ensemble des sondes dans le sous-sol et ne pas péjorer le foncier », précise Léo Bergsma.
« Il y avait peu de places de parking, on ne voulait pas en enlever pour mettre des sondes. Mais on s’est rendu compte qu’avec seulement deux places, on peut avoir l’ensemble des sondes dans le sous-sol et ne pas péjorer le foncier »
– Léo Bergsma, chargé d’affaire chez Bouygues Bâtiment Sud Est
Une dynamique encourageante pour le développement de la géoénergie en AURA, avec une inauguration prévue pour la fin d’année 2024. Ce projet devrait permettre de réduire de 80% les émissions carbones du site, et de diminuer de 73% la consommation énergétique selon le porteur de projet.
Encore certaines limites
Si la géoénergie est disponible sur 90% du territoire français, 10% des zones restent inadaptées à son utilisation. « Sur les terrains qui présentent des risques au moment du forage, s’il y a un risque d’effondrement, on ne peut pas utiliser la géoénergie. Par exemple, les anciennes cavités minières ou encore la nature des sols qui réagit différemment au contact de l’eau », explique Joséphine Charpentier.
« Sur les terrains qui présentent des risques au moment du forage, s’il y a un risque d’effondrement, on ne peut pas utiliser la géoénergie. Par exemple, les anciennes cavités minières ou encore la nature des sols qui réagit différemment au contact de l’eau »
– Joséphine Charpentier, directrice commerciale chez Celsius Energy
Les investissements nécessaires peuvent aussi représenter un frein à son déploiement. Dans le cadre d’un projet mené pour le site d’Optic 2000 en Île-de-France, l’installation de 21 sondes et de pompes à chaleur d’une capacité de 500 kilowatts est estimée à 1,3 million d’euros. Le forage et l’installation de sondes représentent la partie la plus coûteuse du système, même si cela constitue sur le long terme, un retour de l’investissement de 10 à 15 ans.
Malgré ces limites, la géoénergie apparaît comme une solution prometteuse pour répondre aux besoins énergétiques tout en réduisant l’empreinte carbone. La région AURA bénéficie notamment du soutien de divers dispositifs, comme le Fonds Chaleur de l’ADEME, qui vise à soutenir financièrement les projets de production de chaleur renouvelable. Des premiers pas encourageants dans l’adoption de cette technologie.
Pour aller plus loin:
Crédit Image à la Une : Celsius Energy