[ÉDITORIAL] : L’Europe doit affirmer et défendre un idéal d’IA démocratique et humaniste

[ÉDITORIAL] : L’Europe doit affirmer et défendre un idéal d’IA démocratique et humaniste

Alors que le Sommet international pour l’action sur l’intelligence artificielle se tient dans un mois à Paris, tous les regards se concentrent actuellement sur le bras-de-fer engagé par les géants des technologies avec les autorités de régulation européennes. 

L’éléphant sera dans la pièce. Le trublion milliardaire Elon Musk, sauf surprise de dernière minute, sera de la partie lors du Sommet de l’IA organisé par l’Elysée les 10 et 11 février prochains.

Une présence qu’on imagine déjà fort incommodante, au vu des attaques sans subtilité auxquels se prête le milliardaire depuis plusieurs semaines déjà contre les autorités européennes sur le terrain de la réglementation de l’IA et des règles de marché des technologies. Un comportement agressif auxquels d’autres milliardaires américains des techs semblent depuis avoir emboîté le pas.

Un combat qui s’annonce rude

Les assauts des géants des réseaux sociaux démontrent, si besoin en était, que sans aucun scrupule leur objectif est bien de s’affranchir de toute contrainte, de toute limite, dans leur appétit insatiable de profits. La guerre juridique qui s’annonce n’est hélas plus une guerre commerciale. L’Europe est d’ores et déjà considérée hors-jeu sur le terrain des grandes manoeuvres technologiques dans le domaine.

« (…) le combat juridique (…) pour limiter les assauts des géants américains devra aussi être complété par un arsenal “comportemental” des Européens. »

L’éditorialiste du Wall Street Journal Walter Russel Mead n’hésite même plus à écrire que “les nations se préparent à un monde posteuropéen“. Une manière de souligner pour cette plume conservatrice que l’Europe est déclassée et décrochée économiquement et que les GAFAM n’ont plus qu’à se pencher pour ramasser les miettes d’un continent “affaibli et démoralisé“.

Pourtant l’Europe est loin d’avoir dit son dernier mot, et le combat mérite d’être mené. Un combat déséquilibré certes, mais légitime. Légitimé en premier lieu par le nombre d’utilisateurs que compte l’Union européenne. Autant de consommateurs et de citoyens qui pourront potentiellement peser sur les intérêts des géants s’ils venaient à boycotter leurs outils.

Légitimé également par le modèle que développe et défend l’Europe, et qu’il convient de pousser plus avant.

Un modèle à défendre

Certes, le combat commercial, nous l’avons dit plus haut, sera difficile à mener face à des entreprises américaines qui pèsent 30 000 milliards de dollars en valeur depuis 50 ans alors que l’Europe peine à afficher 10 milliards de valorisation.

Mais le combat juridique qui mettra à l’épreuve l’arsenal réglementaire mis en oeuvre par l’Europe, qu’il s’agisse du Digital Service Act (DSA), du Digital Market Act (DMA) ou de l’IA Act, pour limiter les assauts des géants américains devra aussi être complété par un arsenal “comportemental” des Européens.

D’abord, répétons-le, en usant de notre pouvoir de consommateurs : il faut immanquablement boycotter les plateformes des fournisseurs de réseaux sociaux qui agressent et attaquent notre système de protection réglementaire. Puis, en reprenant la main sur la source de données qui alimente les modèles d’IA de ces plateformes, nous devons imposer notre propre modèle.

Je rejoins, sur le principe, la proposition soumise par le collectif d’acteurs qui ont mis sur pied un projet de “data space” européen et démocratique, le Gen4Dem. Il réunit plusieurs data space européens pour constituer un espace souverain de données disponibles et compatibles, gouverné dans un cadre éthique et démocratique.

Ce sera l’occasion de présenter ce projet au réactionnaire Elon Musk lors de son passage à Paris en février prochain et de redire que, même affaiblie, l’Europe est aussi capable de nourrir un idéal technologique humaniste. C’est ce qui fait sa force.

Pour aller plus loin :

[ÉDITORIAL] : Pour une IA européenne forte

Crédit Image à la Une : Istock / Tanaonte