[ÉDITORIAL] : La quantique utilisée à grande échelle n’est pas encore pour demain

[ÉDITORIAL] : La quantique utilisée à grande échelle n’est pas encore pour demain

Alors que Google annonce une nouvelle puce censée améliorer les risques d’erreur de la technologie quantique, il reste encore trop d’aléas non résolus pour espérer commercialiser des applications à grande échelle.

Cette semaine, le géant Google a sans doute fait l’inverse de ce qu’il souhaitait : en annonçant lundi dernier dans la revue Nature le dévoilement de sa dernière puce quantique baptisée Willow, qui offrirait des performances élevées en termes de rapidité de calcul et de correction d’erreurs, il a mis en lumière un enjeu propre au quantique.

Une technologie prometteuse qui progresse certes sur le plan théorique mais ne semble pas encore prête pour les cas d’usages concrets. Les vertus applicatives de cette solution peinent encore à convaincre l’industrie, dans la mesure où la technologie n’est pas sûre à 100%.

Des avancées théoriques spectaculaires

Indéniablement l’équipe de Google franchit un obstacle technologique majeur en donnant potentiellement naissance à des processeurs complexes capables de corriger la fragilité des dispositifs quantiques actuels.

Comme l’a rappelé le fondateur de l’activité Quantum AI de Google, Hartmut Neven, l’arrivée d’une puce comme Willow permet de relever un défi majeur dans le domaine de la correction d’erreurs quantiques, que l’on cherche à résoudre depuis près de 30 ans“.

« (…) la puce de Google a réalisé en moins de cinq minutes un calcul qui prendrait 10 septillions d’années à l’un des supercalculateurs actuels les plus puissants. »

En revendiquant 105 qubits sur base de supraconducteurs, la nouvelle puce de Google double les performances de sa précédente puce Sycamore.  Elle agrandit ce que l’on appelle les “codes de surface”. Chaque code de surface utilisant de principe un réseau carré de qubits pour former un qubit logique plus robuste, la théorie prévoit ainsi que plus le code de surface s’agrandit, plus le qubit logique – autrement dit l’information quantique – est protégé et plus les performances s’améliorent.

De manière spectaculaire, et en procédant ainsi, la puce de Google a réalisé en moins de cinq minutes un calcul qui prendrait 10 septillions d’années à l’un des supercalculateurs actuels les plus puissants. Un chiffre qui dépasse largement l’âge de l’univers.

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Des freins à l’usage

Hélas, et en dépit de ces résultats impressionnants, les qubits demeurent des systèmes encore trop fragiles et trop sensibles aux perturbations de leur environnement. Les erreurs quantiques habituelle, telles que les erreurs de bit-flip (bascule d’un qubit d’un état à un autre), de phase-flip (modification de la phase relative entre deux états d’un qubit), de fuite ou encore de décohérence, compromettent encore la fiabilité des calculs.

« (…) les qubits demeurent des systèmes encore trop fragiles et trop sensibles aux perturbations de leur environnement. »

Or, le marché où tentent de s’imposer aux côtés de Google de nombreux acteurs tels qu’IBM, D-Wave, Quandela, IQM, ou bien encore Pasqal, ne peut se permettre des résultats où le risque même infime d’erreurs demeure.

La solution mathématique apportée par Google avec sa puce Willow, ne répond donc pas pour l’heure aux cas d’usage du monde réel. “Le prochain défi immédiat pour nous est de démontrer un premier calcul utile, au-delà de la théorie classique, sur les puces quantiques d’aujourd’hui, qui soit pertinent pour une application dans le monde réel“, assure Hartmut Neven.

Des applications qui nécessiteront des millions, voire des milliards, d’opérations. C’est actuellement irréalisable avec un tel pourcentage de fautes. Les chercheurs de Google prévoient dès lors que pour diviser encore par mille les erreurs, il leur faudrait environ 1 500 qubits. Mais c’est une réduction d’un facteur dix mille ou plus qu’il faudrait encore pour espérer réaliser les ambitieuses promesses.

Une fois ces barrières levées, resterait l’enjeu de produire en masse des supraconducteurs capables de répondre à de tels défis de puissance de calculs. Bref, le quantique est encore loin des débouchés commerciaux que certains lui promettent déjà un peu hâtivement.

Pour poursuivre la réflexion, je ne saurais trop vous inviter à visionner la dernière émission C+Clair ainsi que le dossier spécial du magazine de la rédaction des Connecteurs, au Québec :

 

Crédit Image à la Une : Pixabay