L’Agence Auvergne-Rhône-Alpes Entreprises vient de dévoiler le panorama de l’intelligence artificielle réalisé l’an dernier sur son territoire. Cette édition souligne l’évolution de l’offre IA des trois dernières années. Évolution positive ? Oui, si l’on en croit les données régionales.
Inutile de dire qu’en cette rentrée, dans un contexte économique et politique assez imprévisible, les différents acteurs du monde industriel, les décideurs publics, les entrepreneurs vont chercher à décrypter les moindres signaux, la moindre information qui leur permettent d’y voir plus clair pour adapter leur stratégie de développement dans les mois à venir.
Dans une telle complexité d’action, l’intelligence artificielle est plus que jamais appelée à jouer un rôle majeur pour aider à la décision. Depuis quatre ans, la Région Auvergne-Rhône-Alpes cherche à se distinguer sur le sujet : elle s’est dotée d’une stratégie régionale et d’une feuille de route opérationnelle partagée avec l’Etat pour piloter le déploiement de l’IA sur son territoire.
Et, quatre ans après, la Région n’a pas à rougir de ses chiffres avec plus de 400 offreurs de solutions identifiés en IA, une augmentation du nombre d’entreprises de 40 % dans le secteur, et près de 150 millions d’euros levées par les startups régionales.
Des chiffres qui la placent parmi les régions françaises les plus innovantes en matière d’IA.
Des secteurs en croissance
Si le développement des technologies de l’IA se concentre principalement dans notre région autour de trois grands domaines d’applications, autrement dit la santé, l’énergie et la mobilité, certains secteurs clés pour l’IA se distinguent des autres avec des évolutions majeures ces dernières années.
C’est le cas de la healthtech, le secteur des technologies de la santé, qui a pris une place considérable, en raison certes de la présence historique du secteur de la recherche médicale et biomédicale sur notre territoire, mais pas seulement.
La digitalisation accrue des processus industriels et l’apparition de technologies d’IA dans les différents produits de santé résultent d’une expertise régionale affirmée dans la production de composants ou autres capteurs optimisés pour les applications IA, mais ils sont aussi à mettre au crédit du maillage réussi entre l’industrie et le milieu académique à travers les clusters et autres pôles de compétitivité.
« La clé de ce succès tient à la multiplication des structures de recherche, qu’elles soient publiques ou privées, et l’importance accordée à la formation spécialisée directement en lien avec les besoins industriels exprimés »
Cette dynamique de collaboration a eu pour conséquence la multiplication de l’offre technologique qui s’est traduite par une croissance fulgurante de + 156 % du nombre d’offreurs de solutions pour les marchés de la santé depuis trois ans.
La clé de ce succès tient à la multiplication des structures de recherche, qu’elles soient publiques ou privées, et l’importance accordée à la formation spécialisée directement en lien avec les besoins industriels exprimés.
Il suffit de citer en exemple Grenoble, qui abrite l’un des 4 instituts interdisciplinaires d’intelligence artificielle (dits 3IA), pour témoigner de cette attractivité territoriale due à l’écosystème de recherche et de formation local.
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A travers une telle dynamique de formation et de pratique, ce sont plus de compétences liées au traitement de l’image, du signal et du langage et de l’ingénierie des connaissances qui ont pu progresser. Un avantage compétitif indéniable pour les entreprises de la région qui se traduit par une meilleure efficacité des processus et par une réduction du temps de traitement de données industrielles. Un facteur crucial aujourd’hui.
Un portrait positif à nuancer
Une dynamique de succès qui n’est pas sans nuances. Car si certains secteurs se portent bien et que les entreprises spécialisées IA continuent d’augmenter, la proportion de startup innovantes, elle, stagne depuis quatre ans : elle est similaire à ce qu’elle était en 2020.
Une progression freinée par un contexte global peu favorable aux jeunes pousses technologiques depuis deux ans, les financements se faisant plus timides, et les entreprises se concentrant principalement toujours sur les mêmes types d’applications. Un manque de diversité d’approche qui fait que les 5 grandes compétences « soft » maîtrisées par les jeunes acteurs régionaux de l’IA sont, dans leur répartition, majoritaires et similaires à la totalité du panel identifié en 2020.
Or, les expertises liées à l’ingénierie des connaissances ou aux sciences cognitives mériteraient d’être plus massivement développées pour pouvoir répondre à la demande des entreprises en services utilisant de plus en plus l’IA générative. D’autant plus dans une région industrielle, qui réclame plus d’ingénieurs en sciences des données et en automatisation.
« Répartition inégale (…) dans la typologie des entreprises en IA : encore beaucoup de TPE / PME, et très peu d’ETI et de grands groupes »
Là, se pose un autre frein qui résulte de la répartition inégale des entreprises et des compétences IA sur le territoire AURA : ce sont encore les départements de l’Isère et du Rhône qui concentrent l’écrasante majorité, soit près de 75 %, des structures identifiées. Le reste du territoire en est plus ou moins pourvu alors même que les industries sont largement réparties sur l’ensemble de la région. Les clusters risquent de manquer là où se situent les tissus industriels performants.
Répartition inégale aussi dans la typologie des entreprises en IA : encore beaucoup de TPE / PME, et très peu d’ETI et de grands groupes. Les PME et startup régionales représentent à elles seules près de 90 % du tissu économique de l’IA, soit 382 entreprises. Avec près de 60 % des structures identifiées qui ont moins de 10 ans d’existence, le secteur reste donc fragile. Vulnérable.
Enfin, et c’est là peut-être que le rayonnement régional risque d’en pâtir à plus ou moins long-terme : la tendance n’est pas à la souveraineté territoriale en IA. Les entreprises du secteur qui sont en effet détenues majoritairement par des capitaux étrangers sont en nette progression depuis 2020. Leur nombre a presque doublé (+ 95 %) pour atteindre une quarantaine d’entreprises.
Certains y verront sans doute une preuve légitime de l’attractivité du territoire. D’autres pourraient aussi considérer que l’investissement publique engagé pour former nos talents dans le domaine sert avant tout les intérêts venus d’ailleurs.
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[ÉDITORIAL] : L’adoption de l’IA en entreprises, entre volonté de croissance et manque de confiance
Crédit Image à la Une : Gracieuseté / Région Auvergne-Rhône-Alpes