Les inondations du mois d’octobre en Auvergne-Rhône-Alpes n’ont laissé personne indifférent, avec des épisodes qualifiés de « jamais vu » par les médias. Mais malgré des dégâts importants, difficile encore aujourd’hui, de prévoir précisément ces crues. L’IA et l’analyse de données pourraient améliorer la gestion des risques, mais les collectivités de la région ne semblent pas encore prêtes à franchir le cap.
4 000 foyers privés d’électricité, plus d’un millier de personnes évacuées, des lignes de train suspendues… Les dégâts causés par les crues d’octobre sont considérables, et risquent de ne pas être les derniers. Si ces épisodes de fortes pluies ont été anticipés par Météo France et les services gouvernementaux, les conséquences ont été bien plus catastrophiques que celles prévues. Du côté des communes, comme Gières et Saint-Étienne, différents plans de gestion des crues sont mis en place, mais l’IA ne fait pas, pour l’instant, partie des priorités dans ces systèmes.
Des solutions traditionnelles
Pour faire face à la montée des eaux, la plupart des communes exposées aux dangers ont mis en place des plans de vigilance. C’est notamment le cas de la commune de Gières, qui dispose d’un programme de prévention du risque d’inondation de sa rivière, le Sonnant.
« Avec la métropole de Grenoble on a mis en place des caméras avec échelle millimétrique pour ajuster nos niveaux d’alerte », explique Elise Rebotton, responsable du service urbanisme de la ville de Gières. « Selon ces niveaux, on doit infirmer ou évacuer par zone. » Une solution souvent utilisée par les communes, mais qui comporte son lot de défaillances. « Notre système a des fausses alertes, il faut régulièrement vérifier », ajoute Elise Rebotton.
« Ce sont souvent des capteurs avec débit télémétrique qui sont utilisés. Ils relèvent le temps de passage d’un petit objet et vont suivre sa vitesse de coupement pour détecter une anomalie »
– Arnaud de Pracomtal, Directeur Général Socotec Monitoring & Socotec Infrastructure
La commune de Gières n’est pas la seule à avoir instauré un dispositif de prévention. Saint-Étienne Métropole a développé le système Saphyras, qui utilise des capteurs pour surveiller l’évolution des hauteurs d’eau. Une méthode traditionnelle adoptée par les collectivités, mais qui intéresse aussi les acteurs privés. « Ce sont souvent des capteurs avec débit télémétrique qui sont utilisés. Ils relèvent le temps de passage d’un petit objet et vont suivre sa vitesse de coupement pour détecter une anomalie », explique Arnaud de Pracomtal, Directeur Général Socotec Monitoring & Socotec Infrastructure. Ces capteurs permettent d’anticiper les risques de crue et d’alerter les services publics et les entreprises.
L’IA, une solution plus précise
L’IA peut également être utilisée comme solution complémentaire, s’ajoutant aux capteurs ou fonctionnant de manière autonome. « On propose une surveillance visuelle en temps réel avec une caméra. L’IA analyse ces images en continu. On se base sur le pourcentage de pixels d’eau et une analyse d’image par image », précise Arnaud de Pracomtal, Directeur Général Socotec Monitoring & Socotec Infrastructure.
« On propose une surveillance visuelle en temps réel avec une caméra. L’IA analyse ces images en continu. On se base sur le pourcentage de pixels d’eau et une analyse d’image par image »
– Arnaud de Pracomtal, Directeur Général Socotec Monitoring & Socotec Infrastructure
Bien que l’utilisation de l’IA dans ce domaine soit récente, elle permet une détection rapide des variations anormales des niveaux d’eau, avec plus de précision. En cas de dépassement d’un seuil défini pour lequel elle a été entraînée, une alerte est envoyée. « Le système est testé et connecté à une plateforme de visualisation de données en temps réel, BlueTrust Monitoring, avec un système d’alerte par SMS et e-mail », ajoute Arnaud de Pracomtal.
Plus de réparation que de prévention
De nombreuses communes ne sont pas encore prêtes à adopter l’IA pour optimiser la gestion des risques d’inondation. Contactée, la métropole de Saint-Étienne a simplement indiqué qu’elle n’utilisait pas l’IA dans son système d’alerte aux crues, sans s’étendre davantage sur le sujet.
Pour Arnaud de Pracomtal, ce manque d’intérêt s’explique par plusieurs facteurs: « Les incidents récents ont mis en lumière l’importance des moyens de prévention, mais le domaine public est moins enclin à mettre de l’argent dans la prévention que dans la réparation. Le problème du préventif, c’est qu’on doit dépenser pour quelque chose qui n’a pas encore eu lieu ».
« Les incidents récents ont mis en lumière l’importance des moyens de prévention, mais le domaine public est moins enclin à mettre de l’argent dans la prévention que dans la réparation. Le problème du préventif, c’est qu’on doit dépenser pour quelque chose qui n’a pas encore eu lieu »
– Arnaud de Pracomtal, Directeur Général Socotec Monitoring & Socotec Infrastructure
Au-delà de l’investissement financier, qui semble être un frein, l’efficacité de l’IA est aussi peu connue. « L’IA apporte son lot de questionnements, il y a encore des parties qui se demandent si c’est fiable ou non dans ce secteur », ajoute Arnaud de Pracomtal, Directeur Général Socotec Monitoring & Socotec Infrastructure.
Malgré ces obstacles, la démocratisation de l’IA dans la gestion des eaux semble être en bonne voie. « L’installation d’une caméra est plus simple que celle de capteurs en profondeur. On voit de plus en plus de cas d’usage d’IA qui deviennent monnaie courante. Elle va gagner en popularité, c’est une question de groupes d’adoption », conclut Arnaud de Pracomtal.
Du côté de la Métropole de Lyon, l’IA commence à être utilisée dans d’autres domaines. « Nous utilisons l’IA pour différents projets de gestion de nos patrimoines de réseaux d’assainissement et le pilotage de nos usines d’épuration, mais pas encore pour la gestion des risques inondation », précise Elisabeth Sibeud, responsable pilotage assainissement et GEMAPI de la Métropole de Lyon.
Avec ou sans recours à l’IA, une chose est sûre: les systèmes de prévention et d’organisation restent importants pour limiter les pertes humaines et matérielles causées par la montée des eaux de plus en plus fréquente.
Pour aller plus loin:
PME : Des solutions technologiques pour mieux anticiper les risques
Crédit Image à la Une : pixabay