Des chercheurs lyonnais développent une éponge qui détecte les gaz radioactifs

Des chercheurs lyonnais développent une éponge qui détecte les gaz radioactifs

Une éponge scintillante pour surveiller les émissions de gaz radioactifs, c’est le projet mené par des chercheurs lyonnais en collaboration avec des chercheurs de Saclay. L’objectif ? Proposer une alternative plus rapide et plus économique pour mesurer certains gaz, des mesures aujourd’hui essentielles pour prévenir les risques d’accidents au sein des centrales nucléaires. 

L’industrie nucléaire fait partie des secteurs rejetant le plus d’éléments radioactifs. Le tritium, le krypton-85 et le carbone-14 sont les plus émis lors de la production d’électricité ou du traitement des déchets radioactifs. Toutefois, ils ne présentent pas un danger majeur et constituent un indicateur clé dans la surveillance des centrales nucléaires. 

La présence anormale de krypton-85 peut notamment révéler un  dysfonctionnement de la centrale, à condition de pouvoir le détecter. « Ces gaz n’émettent pas de rayons gamma, ce sont des électrons qui sont arrêtés par l’air. Pour les mesurer, le détecteur ne va pouvoir évaluer qu’un très petit volume autour de lui, il fallait donc imaginer un système où le gaz à analyser se mélange au détecteur», explique Christophe Dujardin, porteur du projet et professeur à l’université Claude Bernard Lyon 1 .

C’est à partir de ce constat, qu’une équipe de physiciens, de chimistes et de métrologistes du CNRS, de l’Université Claude Bernard Lyon 1, du CEA et de l’ENS de Lyon ont décidé de créer un nouveau dispositif de mesure.

Une détection basée sur l’utilisation d’un aérogel 

Chaque désintégration émet un électron qui interagit à très courte distance avec les nanoparticules « scintillatrices » formant l’aérogel. Crédit photo: Zoé Dujardin

Pour fabriquer ce dispositif de mesure, les chercheurs ont développé une technologie reposant sur un mélange gaz-solide, similaire à une éponge, basé sur la synthèse d’un aérogel scintillant.

Ce dernier est inséré dans une cuvette à scintillation liquide, la technique de mesure standard actuelle. Le gaz à analyser pénètre dans la cuvette puis dans l’aérogel par diffusion.

« Pour détecter le gaz, on utilise un processus appelé scintillation: si l’électron interagit avec le scintillateur, un flash de lumière est produit », ajoute Christophe Dujardin, porteur du projet et professeur à l’université Claude Bernard Lyon 1. L’aérogel, d’une épaisseur d’un centimètre, permet ainsi  au gaz radioactif de se diffuser facilement à l’intérieur de sa structure poreuse, semblable à une éponge.

« Pour détecter le gaz, on utilise un processus appelé scintillation: si l’électron interagit avec le scintillateur, un flash de lumière est produit »

– Christophe Dujardin, porteur du projet et professeur à l’université Claude Bernard Lyon 1

Cependant, il fallait également détecter la lumière émise: « La quantité de lumière émise n’est pas énorme, il fallait utiliser une méthode de détection très sensible et trouver des astuces pour que ces signaux de lumières ne soient pas confondus avec des artefacts »,  précise Christophe Dujardin.

Au-delà de sa sensibilité, cette méthode permet d’analyser les gaz séparément, même si ces derniers sont mélangés. Autre avantage, l’aérogel ne se contamine pas non plus au contact des gaz, ce qui le rend réutilisable et réduit la production de déchets. 

Une méthode moins coûteuse et plus rapide pour prévenir des risques 

L’utilisation de l’aérogel permet non seulement de gagner du temps, mais aussi de réduire les coûts. « Aujourd’hui, pour mesurer le tritium,  différentes techniques comme le bulleur sont utilisées, mais le processus prend plusieurs jours, alors qu’ici l’information est disponible en une minute », explique Christophe Dujardin.

Un gain de temps qui permet également d’intervenir plus rapidement en cas de problème. « Quand une centrale fonctionne correctement, elle émet une certaine proportion de tritium et de krypton.  Si jamais elle rencontre des problèmes, cette proportion change. En mesurant en une minute, on peut  intervenir plus rapidement », ajoute le professeur. 

Le dispositif est également moins coûteux que les techniques actuelles. « La chambre à ionisation permet d’analyser aussi en temps réel, elle fournit un signal électrique, mais l’appareillage reste extrêmement complexe et coûteux », précise Christophe Dujardin. 

« Quand une centrale fonctionne correctement, elle émet une certaine proportion de tritium et de krypton.  Si jamais elle rencontre des problèmes, cette proportion change. En mesurant en une minute, on peut  intervenir plus rapidement »

– Christophe Dujardin, porteur du projet et professeur à l’université Claude Bernard Lyon 1

Cette avancée ambitieuse s’inscrit dans le cadre du projet européen SPARTE. Ce projet, porté sur quatre ans, se termine en décembre prochain, sans pour autant marquer la fin des recherches. « Notre objectif est d’aller tester sur le terrain et de l’étendre à d’autres radio-isotope comme le carbone-14. Notre but est de rendre le détecteur plus compact et plus mobile », conclut Christophe Dujardin. Les prochains essais sont programmés avant les fêtes de fin d’année.

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Crédit Image à la Une : pixabay