Aquapuncture : Une start-up lyonnaise lance une méthode innovante pour rafraîchir nos villes

Aquapuncture : Une start-up lyonnaise lance une méthode innovante pour rafraîchir nos villes

Alors qu’une nouvelle vague de chaleur assomme les Lyonnaises et les Lyonnais cette semaine, des solutions locales innovantes émergent pour ralentir le réchauffement urbain. C’est le cas de Qui veut rafraîchir sa ville ?, une jeune pousse lyonnaise fondée en décembre 2023 qui végétalise les villes en mobilisant à la fois la société civile et les acteurs économiques. Le tout grâce à une méthode alliant solutions low-tech et high-tech : l’aquapuncture. Explications de Jean-Marc Bouillon, président et co-fondateur de la start-up.

« Le but est d’accélérer l’adaptation des villes au réchauffement climatique à partir de micro-projets qu’on appelle points d’aquapuncture®, un nom déposé dont l’origine part de l’eau et du végétal », explique Jean-Marc Bouillon, spécialiste de l’adaptation au réchauffement climatique, pour résumer la raison d’être de Qui veut rafraîchir sa ville ?. Le modèle de cette start-up repose dans la question qu’elle pose très concrètement : faire appel aux personnes, entreprises, et collectivités prêtes à s’engager contre le réchauffement urbain.

Agir rapidement et durablement

Le concept est né de la rencontre de trois entrepreneurs : Jean-Marc Bouillon, paysagiste concepteur, Thomas Lescure, expert en conduite du changement, et Elsa Lourdeau, avocate – respectivement Président, Directeur général et Associée. Partant du constat que 80 % de la surface urbaine est détenue par la société civile et le monde de l’économie, ils ont créé une plateforme qui met en mouvement toutes les parties prenantes des zones urbaines : entreprises, collectivités, mais aussi particuliers.

Qui veut rafraîchir sa ville ? est une start-up lyonnaise fondée par Thomas Lescure, Elsa Lourdeau, et Jean-Marc Bouillon. Crédit photo : Swann Vigier

« Après mille et un diagnostics, c’est l’heure du passage à l’action ! », s’exclame le co-fondateur. Un projet de développement ambitieux pour les villes de France qui repose sur la filialisation de l’activité. Le principe est simple : Chaque plateforme locale est une filiale qui mobilise les différents acteurs de son territoire pour une transformation vertueuse de sa ville.

« On pense qu’il faut vite s’occuper de ces conséquences directes sur la ville, pour éviter que la crise écologique se transforme en crise économique, et donc en crise sociétale », affirme Jean-Marc Bouillon sur un ton grave. Il explique que la chaleur va entraîner toute une série de dysfonctionnements en ville, tels que des épisodes pluvieux plus violents et plus nombreux, entraînant la saturation des tuyaux. Pour pallier ce type de problèmes, les points d’aquapuncture® permettront de tamponner les inondations en hiver, et de rafraîchir les villes en été grâce aux arbres plantés qui vont évapotranspirer. « Au bout de quinze ans, sur une ville de 50 000 habitants, cela représente 3 millions de mètres cubes d’eau infiltrée, 50 000 arbres plantés, 100 hectares de zones d’ombres en plus. » Des chiffres prometteurs rendus possibles par une solution technologique innovante.

« On pense qu’il faut vite s’occuper de ces conséquences directes sur la ville, pour éviter que la crise écologique se transforme en crise économique, et donc en crise sociétale. »

— Jean-Marc Bouillon, président et co-fondateur de Qui veut rafraîchir sa ville ?

Inondations plus fréquentes dues au réchauffement climatique : mieux s’y préparer

L’aquapuncture, « une solution pour créer des conditions propices à l’installation pérenne de la nature en ville »

Pour limiter le réchauffement urbain, la start-up a mis au point une méthode innovante basée sur les images satellites des territoires permettant une lecture algorithmique à l’échelle du pixel. « Une solution pour créer des conditions propices à l’installation pérenne de la nature en ville », explique le président de la start-up, qui repose à la fois sur du low-tech et du high-tech. « Sur la partie low-tech, on sait tous qu’il faut planter de plus en plus d’arbres en villes, mais pour ça, il faut tenir compte de la gestion de l’eau ; à l’avenir, l’arrosage risque d’être souvent régulé par les préfets », alerte Jean-Marc Bouillon. Pour répondre à cet enjeu, la start-up va optimiser la gestion de l’eau en repérant toutes les surfaces perméables de la ville qui se situent à côté d’une surface imperméable. « L’eau de pluie va être amenée par gravité naturelle vers cette zone perméable qui sera au préalable légèrement mise en creux, puis on va venir planter un arbre : c’est ce qu’on appelle un point d’aquapuncture® », résume le co-fondateur de Qui veut rafraîchir sa ville ?. Cette méthode vise uniquement le foncier des villes, à savoir le privé (logements individuels, usines, commerces…), qui représente 80 % de leur surface.

« L’eau de pluie va être amenée par gravité naturelle vers cette zone perméable qui sera au préalable légèrement mise en creux, puis on va venir planter un arbre : c’est ce qu’on appelle un point d’aquapuncture®. »

— Jean-Marc Bouillon, président et co-fondateur de Qui veut rafraîchir sa ville ?

L’indice d’aquapuncture de la ville de Dijon est calculé par les algorithmes de Qui veut rafraîchir sa ville ? Crédit photo : Qui veut rafraîchir sa ville ?

La partie high-tech passe par l’utilisation des données des cartes IGN qui, grâce à une grande précision (20 centimètres au sol), vont déterminer un « indice d’aquapuncture® ». En résumé, les sols vont être répertoriés par couleur, puis chaque pixel sera lu par les algorithmes en fonction de sa couleur. Ces derniers vont permettre d’obtenir des cartes d’identité de chaque parcelle cadastrale avec une multitude de données sur une surface donnée : perméable ou imperméable, espace vert ou non, si le terrain perméable se situe bien en dessous du terrain imperméable…

« En fonction d’un point d’aquapuncture® perméable (50 mètres carrés minimum), on va être capable de déterminer s’il y a un terrain propice à accueillir chaque micro-projet », souligne Jean-Marc Bouillon. « Le côté hyper high-tech, c’est qu’on va tous les repérer à l’échelle d’une ville entière en quelques clics ! », se réjouit-il.

La mobilisation de la société civile…

L’aquapuncture implique chaque personne habitant en ville, à commencer par leur logement. Jean-Marc Bouillon prend l’exemple d’une maison individuelle. Dans une parcelle de 600 mètres carrés, il faut aménager 50 mètres carrés. Les algorithmes déterminent si une personne qui souhaite prendre part au projet dispose d’une surface disponible suffisamment grande et d’une morphologie de terrain viable. Ils vont donner un indice de facilité qui va classer les différentes parcelles cadastrales de facilement réalisables à difficilement réalisables. « Le chiffre à retenir ici, c’est que 70 % de la ville existante est ‘très facilement’ à ‘moyennement facilement’ capable d’accueillir un point d’aquapuncture® », rapporte le président. Seules les parcelles classées dans les trois premières catégories sont retenues. « On veut aller au plus rapide », explique Jean-Marc Bouillon.

« Le chiffre à retenir ici, c’est que 70 % de la ville existante est ‘très facilement’ à ‘moyennement facilement’ capable d’accueillir un point d’aquapuncture®. »

— Jean-Marc Bouillon, président et co-fondateur de Qui veut rafraîchir sa ville ?

Une fois l’indice d’aquapuncture calculé, les algorithmes proposent des données concrètes : planter X arbres, gagner X hectares de surface à l’ombre, recueillir X mètres cubes d’eau infiltrée… Par exemple, une personne dont la parcelle a été classée en « très facilement réalisable » se verra indiquer que grâce à l’indice, elle peut sauver 80 mètres cubes d’eau et planter trois arbres par an. Cette société civile est mobilisée par le biais d’une plateforme digitale d’intermédiation créée et gérée par Qui veut rafraîchir sa ville ?. Les personnes répondant à quatre critères précis (sur l’amélioration de la qualité de vie et de la biodiversité notamment) sont éligibles à accueillir un point d’aquapuncture®. Le génie de la start-up ici encore est de proposer un financement à différentes échelles en fonction du revenu des personnes éligibles : 60 % pour des revenus élevés, 100 % pour des faibles revenus.

… Et du tissu économique local

Pourquoi cette solution est née à Lyon ? « D’abord parce qu’on est Lyonnais », rétorque Jean-Marc Bouillon, « mais aussi parce que Lyon risque d’être la capitale des villes les plus chaudes de France aux côtés de Grenoble et Annecy, de par nos géographies urbaines similaires favorables à la montée des températures ».

« Lyon risque d’être la capitale des villes les plus chaudes de France aux côtés de Grenoble et Annecy, de par nos géographies urbaines similaires favorables à la montée des températures. »

— Jean-Marc Bouillon, président et co-fondateur de Qui veut rafraîchir sa ville ?

La start-up propose des modélisations de points d’aquapuncture, comme ici pour une école privée lyonnaise. Crédit photo : Qui veut rafraîchir sa ville ?

Une chance que ce projet soit né à Lyon, pour le président de Qui veut rafraîchir sa ville ?, qui souligne « la puissance du tissu économique lyonnais ». Car oui, ce sont les entreprises qui financent ces points d’aquapuncture®. Mais ici encore, la jeune pousse explique qu’il s’agit simplement de convaincre les décisionnaires d’arbitrer différemment dans leur budget environnemental, qui va de toute façon prendre une place beaucoup plus prégnante dans les années à venir. « On veut montrer que quand le tissu économique s’empare des enjeux écologiques, en pensant purement aux finances, comme une entreprise, et sans dogmatisme, on arrive à trouver des solutions efficaces et viables », affirme Jean-Marc Bouillon.

C’est pourquoi la jeune pousse privilégie 60 entreprises qui fournissent chacune 10 000 euros, plutôt que dix qui apportent un financement total de 60 000 euros : « Notre modèle, c’est la puissance du multiple. » Jean-Marc Bouillon détaille à ce titre la philosophie de la start-up : « On œuvre pour une écologie basée sur les ‘plus plus plus’, et non pas les ‘moins moins moins’. Si tous ensemble, on a un micro-projet, tous ensemble, on bouge des montagnes ». Il insiste également sur l’impact direct de ce type d’action. « Ce n’est pas une action environnementale pour sauver les ours polaires ou les pandas blancs, qui sont des causes tout aussi louables, mais pour un enjeu qui nous touche de très près : l’altération des systèmes urbains que la chaleur va constituer dans nos rues. »

« Notre modèle, c’est la puissance du multiple. »

— Jean-Marc Bouillon, président et co-fondateur de Qui veut rafraîchir sa ville ?

La start-up dispose d’ores et déjà d’un conseil scientifique, composé de garants de l’impact de la méthode aquapuncture®, mais aussi d’experts de tout âge qui vont améliorer le modèle. « Notre équipe est transgénérationnelle, jusque dans les associés, pour pouvoir parler à tout le monde », rappelle Jean-Marc Bouillon. En mobilisant la société civile lyonnaise, Qui veut rafraîchir sa ville a réalisé une levée de fonds de 250 000 euros. L’objectif aujourd’hui est de mobiliser 60 entreprises pionnières.

Pour aller plus loin :

Réchauffement urbain à Lyon : Face à un avenir projeté à 50 degrés en été, la résilience passe par les arbres

Crédit Image à la Une : Qui veut rafraîchir sa ville ?