C’est dans un amphithéâtre plongé dans le noir que nous avons contemplé les étoiles, le 29 novembre dernier, à la rencontre de Marc Garneau, premier Canadien ayant voyagé dans l’espace, et Christophe Galfard, écrivain scientifique français et docteur en physique théorique, pour parler d’astrophysique et d’exploration spatiale.
Ce rendez-vous inédit, animé par notre rédactrice en chef de CScience et LES CONNECTEURS, Chloé-Anne Touma, avait lieu en présence des Éditions Michel Lafon, et des 300 spectateurs venus remplir l’Auditorium de la Grande Bibliothèque de BAnQ (Montréal) à sa pleine capacité. Entre récit au cœur de l’univers et balade virtuelle cosmique, la discussion a nourri de nombreuses réflexions sur les découvertes récentes et les retombées de l’exploration spatiale, croisant les regards des deux spécialistes.
« Prédire l’avenir et le mouvement » : comprendre et vulgariser la science
L’espace, notion très abstraite pour le public, est pourtant le terrain de jeu des deux invités d’honneur.
L’intérêt de Christophe Galfard pour l’espace découle de sa capacité à prédire l’avenir et le mouvement grâce à la physique théorique. Cette discipline vise ainsi à trouver un langage qui puisse décrire les conséquences des trajectoires et des mouvements, dans le but de comprendre l’univers dans son ensemble.
« On peut voyager sans bouger de sa chaise, aller dans les atomes, dans les galaxies, dans les trous noirs… »
– Christophe Galfard, écrivain scientifique et docteur en physique théorique
Mais alors, comment rendre la science accessible et vulgariser des notions comme le Big Bang ou le trou noir auprès du public, notamment à la jeunesse ?
L’écrivain et vulgarisateur scientifique soutient l’idée que la science permet de raconter des histoires, essentielles pour expliquer « qui nous sommes » ; un savoir d’ailleurs nécessaire à vulgariser pour distinguer les différents volets d’exploration, relatifs à l’exploration humaine et l’exploration avec des robots, selon Marc Garneau.
Pour M. Galfard, nos sens nous permettent d’autant plus d’accéder au monde qui nous entoure, et ainsi de cultiver un intérêt pour la relève future.
« Enfant, on apprend les atomes, l’univers, la matière, et après on oublie. Certains ont envie de continuer dans cette recherche (…) Sur Terre, il n’y a pas tellement d’endroits où l’on n’a jamais été ; même en pensée, on peut arriver sur des territoires nouveaux. »
– Christophe Galfard, écrivain scientifique et docteur en physique théorique
Les outils pour une exploration spatiale aux retombées insoupçonnées
Qui dit exploration, dit découverte. Ces découvertes faites dans l’espace viennent surtout valider des théories énoncées par des chercheurs dans le domaine, en concevant, par exemple, un satellite ou une expérience en vue de vérifier les prédictions issues du modèle théorique des chercheurs. Dans ce processus, il y a deux possibilités : soit les télescopes confirment des théories existantes, ce qui représente une véritable prouesse scientifique, comme l’explique M. Galfard, soit, en plus de confirmer une théorie, ces télescopes – qui n’ont jamais été envoyés auparavant – percent de nouveaux mystères. Dans ce cas, ce ne sont pas tant les théories qui sont remises en question, mais plutôt de nouvelles questions qui émergent, ouvrant la voie à des découvertes inattendues, souligne l’expert.
« On arrive à un endroit où le savoir d’aujourd’hui s’arrête. On arrive dans l’inconnu, on a besoin de nouveaux esprits et de nouvelles connaissances pour faire sens de ces nouvelles découvertes. Le télescope James Webb, par exemple, nous permet de voir l’univers avec des yeux qu’on n’avait pas auparavant, et forcément cela nous permet de voir de nouvelles choses. »
– Christophe Galfard, écrivain scientifique et docteur en physique théorique
Partir à l’exploration des étoiles sous-entend ainsi d’utiliser ces télescopes en parallèle, notamment le télescope James Webb qui, d’après Marc Garneau, permet de cibler un objet d’intérêt, et le télescope Hubble quant à lui issu d’une « révolution visuelle du XXème siècle », selon Christophe Galfard.
Le télescope Hubble, positionné à proximité des astronautes, est d’ailleurs facilement accessible à des fins de réparation, sinon de mises à jour, à l’inverse du télescope James Webb, situé à 300 millions de km de la Terre, comme l’indique l’écrivain.
Il précise notamment que des outils et télescopes comme le James Webb sont aujourd’hui déployés dans une époque pivot pour détecter une vie extra-terrestre. Le docteur en physique théorique soutient notamment que nous sommes la première génération à avoir la capacité d’observer quelque chose qu’on n’aurait jamais pu voir par le passé.
« On a environ 100 ans d’une technologie que personne n’avait jamais compris auparavant. »
– Christophe Galfard, écrivain scientifique et docteur en physique théorique
Ainsi, de nombreuses attentes se dressent pour des astronautes face aux retombées insoupçonnées de l’exploration spatiale à l’heure actuelle.
Des questions font alors surface, notamment sur la vie extra-terrestre qui apparaît comme une certitude pour Marc Garneau qui a voyagé dans l’espace à plusieurs reprises : « La vie existe partout dans l’univers, j’en suis persuadé », amène-t-il.
« On nous laisse penser que seule la Terre a de la vie. Pourtant, on a confirmé qu’il y a de l’eau sur Mars. Si la planète était plus chaude, est-ce qu’il y aurait eu de la vie là-bas? C’est une question fondamentale pour moi. »
– Marc Garneau, officier de marine et premier astronaute canadien
Robotiser la recherche en exploration spatiale
Mais alors, face aux nouveaux outils technologiques, comment révolutionner la recherche grâce à l’IA ?
C’est une question qui n’a pas évité les réflexions des deux intervenants, qui soutiennent la faculté complémentaire de l’IA, sans pour autant affirmer qu’elle est en capacité de remplacer entièrement l’humain.
Pour Christophe Galfard, cette technologie démontre son utilité dans le tri et permet de voir des choses plus rapidement, mais présente encore des lacunes pour la recherche théorique. Il précise toutefois qu’elle pourrait être utilisée pour explorer des mondes autonomes, en envoyant des robots stérilisés afin d’éviter l’envoi d’humains, qui risqueraient de « contaminer » la Lune.
Marc Garneau affirme quant à lui que le bras de la navette spatiale devra bientôt fonctionner exclusivement avec de l’IA dans le cadre du programme Artemis : « elle peut nous aider, mais cela va être un exemple, où ce bras va être obligé avec d’autres détecteurs à bord de faire toutes les opérations qu’un humain serait obligé de faire », explique-t-il.
Quel rôle pour le Canada ?
Le programme Artemis évoqué par Marc Garneau est d’ailleurs l’une des initiatives de la NASA dont l’objectif principal est de ramener des astronautes sur la Lune, et de préparer une future exploration de Mars. Cette fusée, qui décollera en 2026, prévoit de faire le tour de la Lune avec quatre astronautes à bord, dont trois Américains et le Canadien Jeremy Hansen.
« Jeremy Hansen est le premier Canadien à faire ce tour, à aller aussi loin que la lune, c’est une nouvelle étape. Je suis fier de cela, il faut faire de la science sur la lune, on a encore beaucoup de choses à apprendre. »
– Marc Garneau, officier de marine et premier astronaute canadien
Une mission dont Marc Garneau se réjouit, soulignant la place importante du Canada dans la découverte de la Lune et les avancées en recherche qu’elle représente.
Crédit Image à la Une : Image à la Une : Conférence « À la découverte de l’Univers » (Photo : Michael Comte)